Alors que la Chine célèbre depuis le début de l'année la Chèvre, à Palo Alto ce sont les « licornes » qui sont à l'honneur. L'animal légendaire sert en effet depuis un certain temps à décrire les nombreuses start-up de la Silicon Valley qui, sans être cotées en Bourse, voire pour certaines sans même réaliser un seul franc de bénéfice, valent déjà plusieurs milliards de dollars. Le magazine Fortune estime qu'aujourd'hui cette région de Californie compte quelque 80 « licornes » valant plus de 1 milliard, dont une dizaine plus de 10 milliards. Parmi les plus connues se trouvent Uber (service de taxis privés), Airbnb (hébergement chez des particuliers), SpaceX (navettes spatiales) ou encore Dropbox (service de stockage Internet). Preuve de l'euphorie actuelle, il y a encore un an, cette dernière était la seule société à être valorisée au-delà des 10 milliards. Le fait est que, depuis deux ans, l'argent coule à nouveau à flots à la Silicon Valley. Plusieurs « licornes », dont certaines restent encore méconnues en Suisse, sont ainsi parvenues à lever des montants astronomiques. Alors qu'Uber recueillait 1,6 milliard de dollars supplémentaires en janvier, son principal concurrent, Lyft, récoltait trois mois plus tard 530 millions. Le réseau social Pinterest finalisait également au mois de mars un tour de table de 367 millions de dollars. Quant à Snapchat, il vient de convaincre Alibaba (géant chinois du commerce en ligne) de mettre 200 millions dans le développement de son service de messagerie. Au total, selon les données compilées par la National Venture Capital Association (NVCA), les « licornes » de la Silicon Valley ont levé 23,4 milliards de dollars l'année dernière, soit 85% d'argent en plus qu'en 2013. Historiquement, cette période se situe donc juste derrière le record de 33,4 milliards enregistré en 2000. Sur l'entier du territoire américain, 25 sociétés non cotées (dont 19 basées à Palo Alto) sont ainsi parvenues à récolter chacune plus de 150 millions. Selon Alex Osterwalder, cofondateur de la start-up Strategyzer, derrière ces investissements massifs et multiples se cache« la crainte de passer à côté du prochain deal du siècle à l'exemple de Facebook, LinkedIn ou encore Twitter (ndlr, même si cette dernière ne génère toujours pas un franc de bénéfice) ». Car en cas de succès, c'est le jackpot. « Cent mille dollars investis, il y a quelques années par un business angel dans Uber, valent aujourd'hui environ 165 millions », a donné pour exemple au quotidien Les Echos Jeff Clavier, fondateur de SoftTech VC, l'un des plus grands fonds américains. Naturellement, un tel montant ne se concrétisera qu'en cas d'une entrée en Bourse (IPO) ou d'une revente réussie.L'ampleur de ces investissements est telle que certains redoutent toutefois l'apparition d'une nouvelle bulle Internet. « Il y a actuellement une absence complète de peur à la Silicon Valley », mettait en garde au mois de mars Bill Gurley, l'une des sommités américaines dans le secteur du capital risque lors d'un festival technologique aux Etats-Unis. Ce dernier rappelait à cette occasion que plus de la moitié des entrepreneurs actuels n'ont pas vécu le krach survenu à la fin des années 1990. « Du coup, ils ne cessent de prendre des risques, toujours plus de risques. »