Assiste-t-on à la formation d'une nouvelle bulle technologique comparable à celle qui a gonflé au cours de la deuxième moitié des années 1990 avant d'exploser en avril 2000 avec le retentissant krach du Nasdaq ? C'est en tous les cas l'avis de nombreux experts qui pointent du doigt les niveaux de valorisations trop élevés de plusieurs compagnies dont un nombre important de start-up de la Silicon Valley en Californie. Selon les statistiques publiées par la National venture capital association, la Fédération des capitaux-risqueurs aux Etats-Unis, 13,4 milliards de dollars ont été injectés dans le capital des jeunes pousses américaines au cours des trois premiers mois de l'année avec 1.020 opérations en capital pour la même période. ECONOMIE DE L'APPLI Cet attrait que représentent les start-up, c'est-à-dire des entreprises, le plus souvent technologiques, qui débutent à peine leur activité, n'est pas nouveau. Cela fait plusieurs années que les investisseurs prêts à prendre des risques cherchent à profiter de l'essor d'Internet et de la montée en puissance des sociétés qui cherchent à concevoir des produits innovants liés à l'usage de ce réseau. Cette « économie de l'appli », en référence aux applications ou programmes utilisés par les terminaux téléphoniques ou informatiques (tablettes...) reliés à l'Internet, brasse donc des milliards de dollars de flux d'investissements. La réussite du réseau social Facebook a poussé de nombreux fonds à s'intéresser à ce secteur. C'est ainsi que des entreprises comme Snapchat (échange de photos et de vidéos) ou Shazam (reconnaissance musicale) font déjà figure de vedettes avec des valorisations qui dépassent les 10 milliards de dollars et cela avant même leur entrée en Bourse. On connaît le principe du capital-risque. Des investisseurs placent leurs fonds dans plusieurs entreprises qu'ils jugent prometteuses -acceptant au passage que la plupart d'entre elles ne leur rapporteront rien- et dont ils espèrent tirer profit en revendant leurs parts au moment de l'entrée en Bourse. Aujourd'hui, le monde des start-up de la Silicon Valley connaît un nombre important de « licornes », c'est-à-dire de sociétés valorisées à plus d'un milliard de dollars -elles seraient plus de 80 selon le quotidien Le Monde (*)-. Problème, la majorité de ces entreprises sont loin d'être rentables, certaines d'entre elles n'enregistrant même pas le moindre dollar de chiffre d'affaires. Certes, le capital-risque est affaire de patience et d'anticipation. Parmi toutes ces pousses se cachent peut-être la future Apple, Microsoft ou Facebook. Mais il n'en demeure pas moins que ces niveaux de valorisation sont trop élevés et ne coïncident à aucune réalité économique. Plus grave encore, on est bien en mal de dire quel est le modèle économique de ces entreprises dont l'activité repose sur un univers dématérialisé. RENOMMEE N'EST PAS RENTABILITE Cette situation est rendue possible par un contexte monétaire encourageant avec des taux bas qui permettent de s'endetter pour presque rien afin d'investir. Bien sûr, la question reste de savoir ce qui se passera quand ces taux seront plus élevés. De même, il faudra bien que les « licornes » entrent tôt ou tard en Bourse car il est peu probable que le capital-risque finance leur développement au-delà de deux ou trois ans (ce qui est déjà beaucoup selon les critères actuels). L'exemple du réseau Twitter -162,4 millions de dollars de pertes pour le premier trimestre 2015 avec un chiffre d'affaires de 436 millions de dollars- est là pour rappeler que l'audience, la créativité et la renommée d'une entreprise du net ne signifient pas forcément qu'elle est rentable. Il reste donc à savoir quand viendra l'heure de vérité pour les jeunes pousses de la Silicon Valley. Il sera alors temps de calculer combien de milliards de dollars investis n'auront servi à rien... (*) Les start-up de la Silicon Valley flambent, 19 avril 2015.