Depuis le début de l'année en cours et jusqu'à la fin du mois de mars dernier, la Gendarmerie nationale a relevé pas moins de 15 cas relatifs à l'irrigation avec des eaux polluées. La plus grande affaire a été traitée par les services de la gendarmerie de Sidi Okba, dans la wilaya de Biskra, où 300 ha de fruits et légumes irrigués ont été détruits alors que le propriétaire a été déféré devant la justice. « La pratique de l'irrigation par les eaux usées est courante », reconnaît le porte-parole de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), Hadj-Tahar Boulenouar. Toutefois, il a indiqué que ce sont les propriétaires des terres non contrôlées par les services agricoles qui s'adonnent à ce genre de pratique. « Ces agriculteurs écoulent leurs produits dans le circuit informel pour échapper aux impôts et au contrôle sanitaire », précise-t-il. A l'UGCAA, les commerçants et les représentants des grossistes insistent sur la qualité des fruits et légumes qu'ils achètent chez les agriculteurs. De son côté, le président de l'Association de protection des consommateurs et de l'environnement, Mustapha Zebdi, a reconnu que cette pratique est courante. Pour lui, irriguer des cultures avec les eaux usées est un crime. « Il faut condamner les auteurs de cette pratique à de fortes peines », insiste-t-il. « On ne peut tolérer des infractions qui portent atteinte à la santé du citoyen et des délits pareils doivent être combattus avec fermeté et rigueur », ajoute-t-il. Et pour cause, « l'usage des eaux usées dans l'irrigation des champs de culture est un vecteur de maladies à transmission hydrique », avertit ce médecin généraliste. Typhoïde, choléra ou intoxications sont les éventuelles maladies qui peuvent toucher les consommateurs des produits issus de ce type d'irrigation. Aussi, chaque année, des campagnes de sensibilisation sont organisées dans des établissemente publics de santé de proximité (EPSP). Des sels de réhydratation par voie orale sont distribués en cas de diarrhée aux personnes souffrant de maladies à transmission hydrique. Et si le cas est grave, c'est l'hospitalisation ou la perfusion de solutés de réhydratation pour les enfants en bas âge ou les personnes âgées. Pour parer à la survenue de maladies à transmission hydrique, chaque daïra est dotée d'une unité d'hygiène et d'assainissement. Dans le cadre de la médecine préventive, les médecins hygiénistes ont la charge de coordonner et de synthétiser les activités des bureaux d'hygiène communaux. Ils se déplacent lorsqu'une maladie à déclaration obligatoire survient. Le malade est questionné sur les aliments qu'il a consommés durant les dernières 48 heures. Un prélèvement est effectué et analysé par les laboratoires (Hurbal dans le cas d'Alger) pour déterminer la source de la contamination des légumes, fruits, jus ou autres. « En 2013, nous avons relevé un cas d'intoxication suite à la consommation de fraises. L'enquête a révélé qu'un agriculteur de Bordj El Kiffan a irrigué sa culture de fraises avec des eaux usées », a relevé un hygiéniste à Hurbal. Le champ du mis en cause a été détruit et une plainte a été déposée à son encontre. Justement, pour traquer les cultivateurs indélicats, la Gendarmerie nationale a mis en place un dispositif de contrôle des exploitations agricoles. A l'aide d'une cartographie nationale, des points noirs ont été recensés dans les wilayas de Blida, Biskra, M'sila, Médéa, Sétif, Oran, Relizane, Skikda, El-Bayadh et Béchar. En outre, les marchands ambulants sont contrôlés et ainsi on peut remonter jusqu'à la source en cas de constatation d'un délit. En cas de doute, des échantillons sont prélevés et analysés au niveau des laboratoires de l'Institut national de la criminalistique et de criminologie de la gendarmerie à Bouchaoui (ouest d'Alger).