Ainsi rendue par une écriture fluide, simple et humaniste, comme l'a été l'existence d'une femme à la fois singulière et plurielle. Celle d'une mère racontée par sa fille. La Maquisarde, le titre du roman signé Nora Hamdi, est une lumière de plus d'allumer sur la Révolution faite par des femmes et des hommes souvent restés dans l'anonymat. C'est à ces derniers, particulièrement les femmes qui ont combattu dans l'ombre, que Nora Hamdi rend un des plus beaux hommages jamais faits à des sacrifices faits de don de soi, sans compter, D'engagements sans recul, spontanément pris sans rien attendre en retour. En silence. Secret et pudeur. « Comme appuyé par cette entrée en matière dans un ultime hommage de l'auteure Nora Hamdi et de Kateb Yacine auquel elle emprunte cet écrit : "On n'entend pas la voix des femmes. C'est à peine un murmure. Le plus souvent, c'est le silence. Un silence orageux. Car le silence engendre le don de la parole". » D'emblée, l'auteure fait accoster le lecteur dans un « je » intimiste, profondément ancré dans un moi jamais détaché du narrateur et du récepteur. Nora dit que c'est voulu. Elle cède à sa mère la parole. Originelle. Car c'est d'elle qu'émanent tous les sentiments, les pulsions qui traversent ce cheminement vers la liberté. Nora fait plonger de prime abord dans l'adolescence de l'héroïne qu'est sa mère. Elle se fond en elle, se laisse prendre aux liens familiaux qui ont jalonné sa jeunesse, passée dans un village parmi les milliers qui renferment des histoires similaires à cette mère courage, confinée en son for intérieur, seule à seule avec ses rêves, ses aspirations et ses douleurs. Tues de générations en générations de femmes. Il est de tradition de ne pas montrer ses peines, ses larmes, étouffées dans un semblant de force qui fond plus tard dans l'ombre, à l'abri des regards, pour fuir les regards pleins de reproches mais aussi les moues réprobatrices des gardiennes du feu sacré. Ces états d'âme qu'elle entretient dans le secret presque souvent malgré elle, entre une corvée d'eau, sur un sol cimenté, au milieu de jarres et de peau de mouton, dans une couverture remontée jusqu'au menton. C'est là l'intermède charnière qui fait s'agripper Nora aux sentiers escarpés parcourus par cette frêle jeune fille qui a fait le choix de partir au maquis, sans se retourner sur sa maison, ses parents, ses frères et sœurs. Avec pour tout baluchon, de la galette, une poignée d'olives et une robe qu'on lui fera troquer plus tard par une chemise, un pantalon et une paire de bottes. S'élance alors dans ces jours passés dans les accrochages, à fuir, à trouver des abris, à se familiariser avec une assemblée d'hommes déterminée autant qu'elle a en finir avec l'ennemi quel qu'en soit le coût. Et puis, c'est une lutte sans merci écourtée par les arrestations, les humiliations, la torture, les exécutions, les cris des prisonniers... et puis ces femmes et ces hommes français qui ont épousé la cause algérienne que Nora raconte par la voix de sa mère. Nora Hamdi avoue que si la rédaction de ce roman s'est faite d'un trait comme si elle était sienne, en revanche, le recueil des données s'est fait, lui, par bribes. D'abord par sa grand-mère, confidences qui ont titillé sa curiosité, puis par sa mère elle même, par intermittence après la mort de la grand-mère. De là a jailli alors ce vœu pieux de transcrire toutes ces conversations tantôt courtes, tantôt plus disantes. Cette volonté de sauvegarder cette mémoire qui aurait pu disparaître n'était ce déclic provoqué par ce flux de phrases, de soupirs et d'allusions que l'écrit a fini par se superposer à l'oralité dans laquelle trempe la mère de l'auteur, étant illettrée. Des histoires dans une grande dont Nora se saisit et ponctue dans un calepin pour en faire plus tard le roman dont elle n'a jamais soupçonné l'écriture. Et c'est ce flux de paroles, violentes, tristes, mais tellement fières et responsables, voire emblématiques, que Nora Hamdi s'est fait un réel honneur de faire parvenir autant que faire se peut tel que conté dans un franc désir d'apporter une contribution à l'écriture de l'histoire, faite par des femmes nombreuses à s'être mises dans le feu du combat en demeurant dans l'anonymat. « C'est pour ma mère et pour ces femmes, que j'ai écris ce livre. C'est ma manière à moi de leur rendre hommage, de leur témoigner reconnaissance et remerciement. Pour leur mûr engagement, leur grande conscience malgré leur jeunesse, leur souffrance et leur endurance. » Ce livre est en fait le fruit d'une écriture qui s'est fait besoin au fil des notes assemblées par Nora Hamdi qui confie, tout bonnement, avoir tissé en un chapelet de mots vrais et sans fard, une histoire qui lui ressemble. Sienne de par sa mère, ses parents, ses origines, ses racines. Saliha Aouès La Maquisarde de Nora Hamdi Editions Sedia Collection Mosaïque 141 pages Prix public : 600 DA.