Le cinéma était, à sa création, une technique nouvelle exigeant un équipement nouveau, des connaissances particulières et une culture nouvelle. Les Algériens indigènes, sujets d'un ordre colonial discriminatoire de par la situation qui leur était faite, étaient interdits d'accès à cette nouvelle forme d'expression artistique et de loisirs, a-t-il rappelé. « Quelques jours seulement après la première projection cinématographique mondiale à Paris par les frères Lumières, Félix Mesghich, un Français d'Algérie, est engagé comme chasseur d'images, pour devenir plus tard reporter de cinéma », a-t-il souligné, ajoutant qu'« une année après la naissance du cinéma, Lumière réalisa, dès 1895, un « catalogue de vues » immortalisant un certain nombre de vues d'Alger et de Tlemcen d'avant-1900 ». Selon Hani Abdelkader, le cinéma de fiction, quant à lui, fut introduit pour la première fois en Algérie en 1899 sur initiative d'une association culturelle oranaise, la Société littéraire de la ville d'Oran. A l'affût de toutes les innovations intellectuelles, cette société avait invité un certain professeur David qui venait de ramener de France les premiers films de fiction. S'agissant des premières projections de films à Sidi Bel Abbès, celles de fiction émerveillèrent le public et, très vite, un engouement pour le nouvel art gagna les villages et villes de l'Oranie coloniale. Hani Abdelkader affirmera que le professeur David effectua une longue tournée dans les grandes villes de la province. « C'est ainsi qu'il fit une première projection à Sidi Bel Abbès en mars 1900. Quelques jours plus tard, un autre « tourneur », comme on appelait à l'époque les montreurs de films, se déplaçant en chariot d'un village à un autre, fit une projection à Sfisef, anciennement Mercier Lacombe, distante de 25 km du chef-lieu de Sidi Bel-Abbès. » Pour les salles de cinéma de la ville, notre interlocuteur dira que « c'est probablement en 1908 que la première salle « théâtres-cinémas » ouvrit ses portes à Sidi Bel-Abbès. Vingt années plus tard, dans les années trente, Sidi Bel-Abbès est parmi les rares villes d'Algérie et peut-être de France à compter au moins cinq salles de cinéma. Il faut dire que, pure création coloniale, Sidi Bel-Abbès était d'abord une ville européenne, de par sa création, par la composante démographique de ses habitants, par son histoire, par son urbanisme, etc. La ville comptait, en 1858, 4.629 habitants d'origine européenne pour seulement 822 indigènes. Presque cent années plus tard, en 1948, la population européenne est toujours majoritaire dans la cité. » La population européenne et son élite bourgeoise se dotent très tôt de toutes les commodités d'une cité moderne, théâtre, conservatoire, installations sportives et, bien sûr, des salles de cinéma. La salle Empire Casino fut inaugurée le 16 septembre 1927. A la veille de la guerre de Libération nationale, en 1954, la ville comptait six salles de cinéma : le Versailles, le Rio, l'Empire, l'Olympia, le Palmarium et le Vox. Abordant le mythe de la Légion étrangère et le cinéma, notre interlocuteur précisera que ce qui fera la liaison de Sidi Bel-Abbès avec le cinéma de fiction, c'est la présence et le mythe de la Légion étrangère. En effet, Sidi Bel-Abbès était au temps de l'Algérie coloniale célèbre universellement pour être le berceau et le siège de la Légion étrangère. Des touristes venaient du monde entier y visiter la caserne de la Légion et le musée où étaient exposés tous les drapeaux, fanions, trophées et autres reliques ayant trait aux faits d'armes et à l'histoire de la Légion étrangère. C'est à Sidi Bel-Abbès que fut tourné le film « Le sergent X », en 1932, par Wladimir Strichewsky. Se voulant un hommage à la Légion étrangère, le film relate l'histoire d'un ex-officier de l'armée tsariste qui, désespéré d'avoir perdu au cours de la guerre sa femme et son fils, s'engage dans la Légion étrangère. En garnison à Sidi Bel-Abbès, il retrouve par hasard ses êtres chers, mais sa femme était devenue entre-temps l'épouse de son officier. Il préféra alors ne pas se manifester pour préserver le bonheur que son ex-femme et son enfant avaient trouvé dans leur nouvelle vie. Le film emprunta à la ville quelques images. Mais ce furent surtout les images de la célèbre caserne Vienot avec tous ses monuments et toutes ses reliques qui servirent de décor au film. S'ajoute également le film « Un de la Légion » tourné en 1937 par Christian-Jacques, l'un des cinéastes des plus productifs et des plus populaires du cinéma français. L'acteur principal est le célèbre comédien Fernandel qui incarne dans ce film un de ses rôles les plus populaires. La musique du film est composée par Bachtarzi Mahieddine et Casimir Oberfeld. Notons qu'à l'Indépendance, en 1962, l'Algérie comptait 450 cinémas dans l'ensemble du pays. La ville de Sidi Bel-Abbès comptait déjà quelque sept salles de cinéma. En 1964, le président de l'époque, Ahmed Ben Bella, nationalisa les salles de cinéma. Leur gestion fut alors confiée au Centre national de la cinématographie (CNC), et le cinéma algérien entama son âge d'or avec des productions riches et de haut niveau, en plus de l'importation de plus d'une centaine de films par an.