Il s'appelle Abbès Oukili. Il est le dernier projectionniste de cinéma en activité à Sidi Bel Abbès, où il découvrit ce métier dès son jeune âge, à la faveur de sa passion pour les salles de spectacles. Frisant la soixantaine, il évoque dans cet entretien ses débuts en se remémorant le bon vieux temps, où la culture cinématographique était manifestement perceptible dans les milieux cinéphiles et chez les adeptes du septième art. Il parle aussi de son cheminement professionnel, non sans une certaine nostalgie. Comment avez-vous embrassé ce métier ? Je dois dire que j'ai appris le métier de projectionniste de cinéma sur le tas. Je n'ai reçu, pour ce faire, aucune formation spécifique. J'ai fait mes premiers pas en 1963, en côtoyant un certain Toumi Bouhaous, alors opérateur projectionniste au cinéma Amarna (ex-Olympia), qui m'a aidé et encouragé en me prodiguant les rudiments du métier. Des conseils pratiques que j'ai d'ailleurs vite assimilés, dans la mesure où je nourrissais un vif intérêt pour une telle activité. Depuis lors, j'ai commencé à voler de mes propres « ailes » en occupant les cabines de projection de plusieurs salles de cinéma, tels que l'Alhambra, le Palace (El Amria), le Moksi et bien d'autres. Actuellement, je suis opérateur projectionniste à la cinémathèque de Sidi Bel Abbès où, je l'avoue, le travail en cabine est beaucoup moins fastidieux qu'autre fois, eu égard à la qualité des équipements et des appareillages de projection installés. Le métier de projectionniste s'est nettement raréfié au cours de ces dernières années. Pourquoi ? Au lendemain de l'indépendance, la ville de Sidi Bel Abbès comptait sept salles de cinéma qui, au fil du temps, ont connu des fortunes diverses. L'inadéquation du mode de gestion et d'exploitation des salles de cinéma s'est répercutée de manière négative, tant sur le fonctionnement que sur la qualité des films projetés. Les quelques salles encore opérationnelles ont opté pour le système « vidéo » qui s'est substitué à la projection de films classiques. Cette situation explique en grande partie la disparition graduelle du métier de projectionniste de cinéma. Voyez-vous, le sort de l'opérateur projectionniste est intimement lié à celui de la salle où il exerce. Existe-t-il une autre raison au déclin du métier de projectionniste ? Je dois dire que la désaffection du public à l'égard des salles de projection cinématographique y est également pour quelque chose. Je dirai également que c'est une véritable chaîne dans laquelle le projectionniste de cinéma constitue le maillon le plus faible.