À l'ombre d'un Daech trônant sur les ruines du « printemps arabe » et déployant l'armée des mercenaires occidentaux vécue en menace sur la sécurité européenne, le temps des révisions déchirantes est largement arrivé. C'est le cas particulièrement de la France de Hollande qui a décidé de changer de cap au profit d'un engagement militaire qu'elle a jusque-là réservé exclusivement au cas irakien. Le revirement stratégique a été officialisé par le Parlement autorisant, hier, lors d'un débat sans vote, le lancement de frappes aériennes en Syrie. Paris a vu tout faux : le combat contre Daech n'est plus assimilé à la sauvegarde de facto du régime syrien. « Nous ne pouvons plus nous permettre que la Syrie, principal repaire de Daech, demeure un angle mort de notre action », a averti, le 14 septembre, à Strasbourg, le ministre de la Défense, Jean Yves Le Drian. Le nouveau credo se légitime par les revers militaires et politiques de la coalition impuissante à contenir la progression de Daech et à imposer, par delà la faiblesse criante de l'opposition dite modérée, une solution politique. Face à cette impasse, la réévaluation du risque Daech s'impose. « On voit bien que le président de la République française a montré des inflexions importantes concernant la politique menée par rapport à la Syrie. Clairement, nous sommes sortis du « ni, ni ». Ni l'Etat islamique ni Bachar. On va vers une priorité clairement affichée contre Daech. On ne fait plus du départ de Bachar el Assad la condition initiale de toute opération majeure », a expliqué Jean-Pierre Raffarin, président de la Commission des affaires étrangères du Sénat. Cette nouvelle guerre, mobilisant les Rafale basés à Abu Dhabi, se conçoit comme une riposte à la « dynamique funeste » de Daech, selon la formulation de Le Drian, et au projet d'attentat sur le sol français. Aux côtés des Etats-Unis, du Royaume-Uni et du Canada, Paris a engagé près de 800 militaires prêts à en découdre avec « l'armée terroriste » et pallier le retrait des pays du Golfe qui ont concentré tous leurs moyens au Yémen. Si la menace Daech est aujourd'hui une réalité incontournable, la proposition russe d'une coalition anti-Daech, incluant l'Irak et la Syrie, ne fait pas consensus, stratégie de puissance oblige. Accusé de renforcer sa présence militaire en Syrie, notamment à Lattaquié, Moscou ne fait pas mystère de son soutien au régime syrien. « Nous soutenons le gouvernement syrien dans sa lutte contre l'agression terroriste, nous lui avons proposé et nous continuerons de lui offrir une aide militaire technique », a déclaré à Douchanbe le président Vladimir Poutine, lors du sommet de l'Organisation du traité de sécurité collective regroupant plusieurs ex-républiques soviétiques. Tout en mettant en exergue que le déferlement des migrants syriens est le fait des « groupes radicaux » et non des bombardements de l'armée régulière, Poutine a encore une fois appelé à « l'union de nos forces contre le terrorisme pour éviter la dégradation de la situation, pire qu'en Libye ». Un défi commun, des enjeux diamétralement opposés.