Il est à Jijel une préparation d'un plat traditionnel à cent pour cent propre à cette région côtière de l'est de l'Algérie. Il est communément appelé « bouicha ». Un mets qui s'accroche mordicus dans la cuisine de cette région, qui tient aux us et coutumes légués par les ancêtres. A chaque région ses spécificités culinaires. Jijel comme dans tout le reste du pays, en possède bien évidemment. Et de cuisine traditionnelle, ça la connaît. Une contrée qui sait y faire, comme aucune autre région, dans la préparation de ce fameux couscous au poisson qui la rend si célèbre. Même Skikda ne sait pas lui ravir sa place de leader. C'est d'ailleurs une de ses fiertés qu'elle ne manque jamais d'exhiber en toute occasion festive. A cette singularité culinaire, il est une autre curiosité bien particulière à cette ville côtière, une des plus attrayantes d'Algérie. Et comme Moharrem et l'Achoura ne sont pas si loin pour goûter à la « bouicha ». Ce judicieux mélange de semoule, de dattes, le tout travaillé dans de l'huile d'olive. Des fêtes religieuses que Jijel accueille en festoyant comme il se doit et ce, par un mets populaire dans lequel la cuisinière met tout son savoir-faire. Il faut une dose de connaissance, un brin de savoir-faire, un grain de minutie pour plaire au palais gourmet. Volupté et générosité plaident dans la préparation de ce plat qui fait chanter passionnément les marmites dans lesquelles bout à petit feu, dans chaque foyer, ce mélange, savamment et patiemment préparé par les familles de la région. Celles à qui échoit cette préparation tendent à ressusciter, autant que faire se peut, la recette ancestrale qui consiste à préparer un plat typiquement traditionnel dont les origines ne sont pas en vérité connues. Aucune information ne vient étayer en informations la véritable provenance de cette « bouicha », tant aimée. Tout ce qu'on peut dire, c'est que cette « bouicha » est un amalgame de grosse semoule, de dattes sèches dénoyautées et coupées en deux, d'huile d'olive. Le mélange ainsi prêt, il est disposé dans un fait-tout en métal hermétiquement fermé. Ce dernier sera ensuite posé sur le feu pendant au moins... huit heures d'affilée, parfois plus. C'est selon la contenance de la marmite. La « bouicha » peut s'apparenter à un « plat de guerre » de par sa consistance et sa teneur énergétique. C'est un plat du matin. Le moment privilégié pour une consommation à froid. Il est présenté en guise de petit déjeuner pour toute la famille autour de la meïda. Ceux qui tiennent à la préparation des plus traditionnelles se servent plutôt de la panse du mouton de l'Aïd El Adha, séchée et jalousement conservée pour recevoir la farce hétéroclite de semoule, huile, dattes et un soupçon de sel de table. Le récipient métallique est ainsi remplacé. Il arrive parfois qu'au cours de la cuisson, il explose sous la force de la pression et de la chaleur emmagasinées pendant au moins huit heures. Selon certaines sources, cette recette proviendrait de la vieille Albion et aurait été introduite en Algérie il y a plusieurs siècles « pour gaver l'estomac des esclaves affectés aux travaux pénibles ». Aucun écrit n'est cependant disponible pour en vérifier l'authenticité. Les personnes âgées, plus particulièrement les femmes, se contenteront de dire qu'elles ont hérité cette recette des aïeux. « Bouicha », qui revient sur la table des Jijeliens à l'occasion de la fête de l'Achoura aussi, ressemble, curieusement, au plum-pudding anglais, dont la préparation nécessite, elle aussi, plusieurs heures dans les cuisines d'outre-Manche ! Un parallèle entre la recette de Jijel et celle des Anglais montre qu'il y a une quasi-similitude dans les ingrédients, la façon de préparer et le temps de cuisson. Dans les deux cas de figure, « bouicha » et le pudding très « british » plum-pudding sont entourés de rites dans leur préparation et dans leur service. Recette de grand-mère, « bouicha » met toujours l'eau à la bouche tant son nom est chuchoté par les familles jijeliennes à quelques jours des deux fêtes religieuses. Economiquement, pour une famille de deux à trois personnes, il faut débourser, compte tenu de l'augmentation des prix de certains produits entrant dans la préparation de ce mets, telles les dattes qui frôlent les 1.000 DA et l'huile d'olive, les 800 DA. Quoi qu'il en soit, le relais a été transmis et demeure encore entre les mains de la population jijelienne qui affûte ses papilles gustatives, au petit matin de cette fête religieuse, ancrée dans les murs en dépit des évolutions vécues çà et là.