La question du respect des règles de l'éthique et de la déontologie revient, avec insistance, dans le paysage médiatique algérien. La diversification des journaux, la multiplication des chaînes de télévision et l'avènement d'une presse électronique n'ont pas été seulement des atouts. Ils n'ont pas garanti la professionnalisation nécessaire pour le travail et surtout la crédibilité des médias. Le professionnalisme consiste à donner une information crédible et vérifiée. « La loi n'est pas respectée alors comment voulez-vous que les gens respectent l'éthique et la déontologie ? », se demande Kamel Rachedi, professeur à l'institut de journalisme. « Nous sommes dans une situation d'absence totale d'application des lois qui régissent le paysage médiatique. Cette non-application et l'ambiguïté des textes de loi ont donné lieu à des dépassements constatés et dénoncés notamment dans le domaine de l'éthique », a-t-il expliqué. Pour lui, ces dépassements, qui sont courants dans les chaînes de télévisions privées, montrent que « les professionnels des médias ne font plus la différence entre la diffamation et l'information et ne décèlent pas ce qui est atteinte à la vie privée ». « L'audiovisuel en Algérie a employé des jeunes gens qui n'ont aucune expérience professionnelle. Le manque de formation théorique et pratique fait qu'ils ne font pas la différence entre l'information et la diffamation, ce qui les rend vulnérables et commettent ainsi des erreurs ». Cette situation a provoqué « de graves atteintes relevant du domaine juridique comme aussi des dépassements qui relèvent de la morale et de l'éthique », a-t-il souligné. Rappel à l'ordre des contrevenants Dans la presse écrite, la concurrence entre certains titres pour l'obtention de l'information a fait que « ces organes se sont donné un rôle politique et non informatif ». « Des titres de journaux se sont transformés en des acteurs de la scène politique et ont souvent un parti pris dans ce jeu politique, ce qui fait que la majorité d'entre eux ont transgressé les règles déontologiques et de pratique de la presse qui est d'abord un relais de l'information et non un acteur politique », a-t-il affirmé. L'absence d'une autorité de régulation est un facteur qui a contribué à l'aggravation des atteintes à l'éthique. « Dans l'audiovisuel, l'autorité de régulation est encore faible du fait que ss membres ne sont pas encore installés et cela ne lui permet pas de jouer son rôle », a indiqué Rachedi. Le rôle de cette autorité « n'est pas de soutenir ou d'appuyer une décision prise à l'encontre d'un organe de presse mais de réunir les éléments, traiter les aspects de l'affaire avant de statuer » a-t-il ajouté, précisant que « l'absence de cette autorité sur le terrain a laissé la porte ouverte à toutes les atteintes d'ordre déontologique ». Pour la presse écrite, cette autorité n'existe pas encore. « Cela ne nous empêche pas de nous interroger sur sa composante, les moyens qui lui sont accordés pour veiller au respect de l'éthique », a-t-il ajouté. Brahim Brahimi, professeur à l'ISIC, estime que l'ouverture du champ audiovisuel « est un acquis important qu'il faut préserver ». « Il est vrai qu'actuellement, les médias ne respectent pas vraiment les règles de déontologie mais ce problème peut être réglé en procédant à des rappels à l'ordre à l'encontre des contrevenants », a-t-il indiqué, précisant qu'il faut « mettre des garde- fous » pour éviter les dérapages. Les autorités de régulation prévues dans la loi « ont la charge de rappeler à l'ordre, d'alerter et de statuer sur ces dépassements qui peuvent porter atteinte aux personnalités mais aussi au pays ». Brahimi estime nécessaire l'élaboration d'une nouvelle charte d'éthique et de déontologie et sa diffusion à l'ensemble des professionnels. « Il faut discuter avec les journalistes et mettre à leur disposition cette charte afin que tout le monde connaisse ses limites », a-t-il indiqué. Brahimi estime que le traitement actuel « des cas des dépassements signalés est positif dans la mesure où il est n'est pas question de laisser les gens de dire ce qu'ils veulent sans aucune suite alors que les conséquences peuvent graves ». Pour lui, les autorités de régulation « doivent être installées dans les plus brefs délais » et la « justice doit jouer son rôle ».