Le dernier message attribué au président Bouteflika aura franchi un nouveau pas dans la tentative du pouvoir de museler la presse, par divers moyens. Même s'il n'est un secret pour personne que le chef de l'Etat n'aime pas la presse de son pays. Même si de sérieux doutes pèsent sur ses auteurs, la dernière attaque et le ton menaçant dont on a usé contre les médias confirment la démarche suivie depuis quelques mois par les pouvoirs publics en vue de mettre au pas la presse dont le seul tort est de soumettre au débat et à la critique les visions et les actions des tenants du pouvoir. Après l'épisode du chantage à la publicité, voici venu le temps d'agiter l'éthique comme épouvantail. Une façon de remettre en cause les acquis arrachés par la corporation ces dernières années, notamment en ce qui concerne la dépénalisation du travail journalistique. Une charte de l'éthique, pourquoi faire ? Une charte existe déjà, et elle a été adoptée par les professionnels qui avaient élu, par là même, un Conseil d'éthique et de déontologie, comme le prévoit d'ailleurs la loi organique sur l'information. Une charte de l'éthique qui serait en cours d'élaboration au ministère de la Communication ? Une belle trouvaille ! Depuis quand le gouvernement s'approprie-t-il l'élaboration d'une charte d'éthique et de déontologie ? Les médecins, les avocats et d'autres corps de métier ont élu leur propre conseil de déontologie et se sont dotés de leurs propres chartes respectives, élaborées librement par ceux qui exercent ces métiers. Pourquoi voudrait-on faire l'exception quand il s'agit des journalistes ? La loi sur l'information consacre tout un chapitre à l'éthique et à la déontologie. Il y est question de la création d'un conseil supérieur dont les membres seront élus par les professionnels des médias et qui sera chargé d'élaborer la charte, de veiller à son respect et, le cas échéant, de prononcer des sanctions à l'encontre des contrevenants. Alors que la loi a été promulguée en 2012 et alors qu'elle stipulait que ce conseil supérieur devait être mis en place, au plus tard, dans une année, force est de constater que cela reste au stade de projet et que cela risque de suivre le même cheminement que l'Autorité de régulation de l'audiovisuel. Le pouvoir a toujours été tenté de faire appel à sa fidèle clientèle et ce n'est pas aujourd'hui qu'il ouvre de nouveaux fronts avec la presse, qu'il risque de changer d'attitude. De par le monde, les chartes de l'éthique ont toujours été l'émanation des professionnels, alors que chez nous, on voudrait faire le contraire : une administration qui pondrait un texte plus contraignant — pour ne pas dire répressif — avec la bénédiction d'un conseil qui lui serait tout acquis. A. B.