Affaibli par son échec dans le dossier syrien, acculé par la rébellion kurde qui reprend de plus belle dans le sud-ouest du pays mêlé aux attentats terroristes du groupe terroriste Daech, mais aussi et surtout confronté à un ralentissement économique, qui fut son atout électoral majeur, l'AKP, au pouvoir, aura toutes les peines du monde à convaincre une opinion appelée, aujourd'hui, aux urnes pour le deuxième scrutin législatif en moins cinq mois. Même s'il est arrivé en tête en atteignant 40,6% des suffrages et 258 sièges de députés sur 550, son Parti de la justice et du développement (AKP) a perdu, le 7 juin, la majorité absolue qu'il détenait depuis son arrivée au pouvoir en 2002. Il faut dire que ce revers a sonné, provisoirement, le glas de l'ambition de Erdogan d'imposer à son pays une « superprésidence » aux prérogatives renforcées. Convaincu de pouvoir reprendre la main haute sur l'Etat, l'homme fort de la Turquie a, toutefois, laissé s'enliser les discussions pour la formation d'un gouvernement de coalition et programmé des élections anticipées. Mais, la plupart des sondages lui prédisent un nouvel échec et assurent que l'AKP sera une nouvelle fois contraint à un gouvernement de coalition. Le conflit armé qui oppose, depuis 1984, les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) aux forces de sécurité turques a repris cet été dans le Sud-Est, région en majorité peuplée de Kurdes, et enterré le fragile processus de paix engagé il y a trois ans. La guerre qui sévit depuis quatre ans en Syrie a débordé au-delà des frontières de ce pays en territoire turc. Après celui de Suruç en juillet, un attentat suicide perpétré par deux militants du groupe terroriste Daech, le plus meurtrier dans l'histoire de la Turquie, a fait 102 morts au cours d'une manifestation prokurde en plein cœur de sa capitale, Ankara. Ces violences inquiètent de plus en plus ouvertement les alliés occidentaux de la Turquie, à commencer par l'Union européenne, soumise à un flux croissant de réfugiés, pour l'essentiel syriens, en provenance de son territoire. Pour rallier les suffrages des nationalistes, Ahmet Davutoglu, qui est aussi chef de l'AKP, a fait de la sécurité et de l'intégrité de son pays son leitmotiv, sur le mode « l'AKP ou le chaos ». Dans son conservateur fief de Konya, il a répété, vendredi dernier, que « nous avons besoin d'un gouvernement fort pour protéger la stabilité (...) l'AKP est le seul espoir de la Turquie ». Depuis des semaines, l'opposition dénonce, en retour, la complaisance du pouvoir à l'égard des terroristes de Daech et sa dérive autoritaire. « Certains veulent rétablir le sultanat dans ce pays, ne les y autorisez pas ! » a exhorté, vendredi dernier, le chef du Parti républicain du peuple (social-démocrate), Kemal Kiliçdaroglu. L'envie est là. Mais la tâche n'est pas si mince pour une opposition décidée à en découdre.