Le tribunal criminel d'Alger a poursuivi, hier, lors de la sixième journée du procès, l'audition des principaux accusés dans cette affaire. Le tribunal a posé une série de questions à Belkacem Boumediène, vice-président Amont à Sonatrach, sur la régularité des contrats passés avec la société allemande Contel Algérie, spécialisée dans les systèmes de surveillance. Le juge a également demandé des explications au patron de cette société, Mohamed Reda Djaffar, et aux deux enfants de l'ex-PDG de Sonatrach, sur le trafic d'influence dont ils auraient usé pour décrocher des contrats de gré à gré. Le juge a essayé de savoir s'il y avait conflit d'intérêt dans cette affaire, puisque les enfants étaient actionnaires et consultants dans cette entreprise. Le juge voulait savoir pourquoi le groupe Sonatrach avait décidé l'octroi des marchés d'installation de systèmes de télésurveillance pour plus de 123 sites pétroliers à In Amenas, Hassi Messaoud, Hassi Rmel, selon le mode de gré à gré au lieu de procéder à une consultation ouverte. Selon Belkacem Boumediène, seuls deux contrats ont été conclus de gré à gré en 2006 au profit de Contel Algérie pour la base 24-Février 1971 et du CIS. Il explique que des instructions ont été données par le ministre de l'Energie et des Mines pour installer ces systèmes de surveillance avant le 31 janvier 2006, ce qui « était impossible », dit-il. « Nous avons donc été amenés à définir une stratégie pour mettre en place les installations de protection des sites. » Cette stratégie a été avalisée par le ministère de tutelle et la DG de Sonatrach, et les délais ont été prorogés de six mois. Il s'agissait du traitement des offres commerciales liées à l'équipement de ces sites. « La commission a partagé le marché en lots, sur instruction du ministre », poursuit le vice-président de Sonatrach. La société n'avait pas pour habitude de dépendre d'une seule société. « La stratégie est politique, on l'applique et un point c'est tout », dira-t-il. Et d'attirer l'attention du juge sur l'instruction classée dans le dossier du ministre de l'Energie de l'époque, selon laquelle, il faut sévir contre les cadres qui s'opposent à toute instruction. Le juge rappelle au responsable de Sonatrach qu'il avait pourtant déclaré que « nous ne connaissions rien au sein de l'entreprise à ce type d'équipement ni aux prix ». « N'aurait-il pas fallu recourir à une consultation ouverte ? », interroge le juge. Sur les modes de passation des contrats, Boumediène explique au juge qu'il y avait une instruction datant de 2002 du ministre de l'Energie. Il s'agit de la R14 puis la R15 jusqu'à la R24. Pour dire, qu'en fait, à Sonatrach, on n'applique pas le code des marchés. La pratique évolue. La consultation restreinte adoptée alors dans ces marchés était « dictée par l'urgence ». « Ce n'est pas un choix, elle nous a été imposée par la nécessité de protéger les sites et une étude nécessite au moins deux années. » Le juge demande alors à l'accusé pourquoi avoir donné une procuration à un autre responsable, Hassani Mustapha en l'occurrence, pour signer ces projets et pourquoi l'avoir pressé de le faire. « Le compte à la Société Générale m'a été ouvert par Sonatrach pour mes jetons de présence » Le vice-président de Sonatrach a été longuement interrogé par le juge sur les instructions qui auraient été données pour ne pas publier ces marchés au Baosem, s'il connaissait les enfants du PDG Meziane, sur l'origine des montants en devises dans ses comptes bancaires (Société Générale et CIS), sur la provenance d'un bien immobilier en France que possède son épouse à Neuilly-sur-Seine, à Paris, à la même adresse que celui attribué à l'épouse de Meziane. Belkacem Boumediène a répondu dans le détail aux questions relatives à ses comptes en devises en France, un compte d'épargne à la Société Générale de 1.126 euros et un compte courant à la CIS de 27.000 euros. Ces sommes « proviennent des jetons de présence des participations aux conseils d'administration des filiales de Sonatrach à l'étranger (autour de 7 à 8.000 euros par an) ». Le compte à la Société Générale lui a été ouvert par Sonatrach. Sur certains mouvements, peu significatifs, il est vrai, mais douteux pour la justice, il dira « ne pas en connaître l'origine car il était en prison ». Les enfants du PDG de Sonatrach ont, eux aussi, été appelés à la barre. Réda et Faouzi sont mis en cause dans cette affaire d'équipement de télésurveillance. « Je ne suis pas fonctionnaire pour être accusé de trafic d'influence », dira Réda à la juge. Il rappellera les circonstances dans lesquelles il a connu le patron de Contel qui lui a proposé de créer une société commune. « Mais c'est au moment où votre père avait été nommé PDG », lui lance le juge. Il dit ne pas retenir la date. Il donnera des détails sur le projet de création de la société commune avec Al Smail pour dire ensuite qu'il n'était pas intéressé, laissant à son frère Fawzi le projet. On cédera, d'ailleurs, à ce dernier deux cents actions. Le juge l'interroge également sur ses voyages avec le patron de Contel et le fils du PDG du Crédit populaire d'Algérie, Meghaoui Yazid, en Allemagne, les contrats de consulting que les Allemands de Funkwerk lui ont refusés de crainte d'un conflit d'intérêt.