Tahar Houchi a obtenu une licence en lettres et linguistique françaises à l'Université d'Alger, un DES en études du développement à l'Université de Genève, et un D.E.A à l'Université de Lyon. Il a également une formation de journaliste spécialisé dans la critique cinématographique. Après avoir cumulé une grande expérience dans ce domaine, il fonde et dirige le Festival du film oriental de Genève (Fifog). Rencontré en marge des 6es Journées cinématographiques d'Alger (JCA), il répond à nos questions. Quelle est votre vision de la critique cinématographique ? J'utiliserais une métaphore. En Algérie, lorsqu'un garçon aborde une fille, elle ne lui répond pas, non pas parce qu'elle ne s'intéresse pas à lui, mais pour diverses raisons. Le garçon « l'engueule » parce qu'il ne comprend pas sa position. C'est exactement la même chose au cinéma. Les gens ont honte de visionner un film. La critique cinématographique, c'est d'être doté d'outils d'analyse qui permettent d'approcher la visibilité du film. Et qu'en est-il de l'Algérie ? Ce n'est pas propre à notre pays. Il existe aujourd'hui un diktat politique et moral. Les gens sont embrigadés dans cette pensée. Un journaliste suisse n'est pas plus libre qu'un journaliste algérien. Il obéit aussi à des diktats. Par exemple, un film ne doit pas être critiqué parce que telle boîte de production met de l'argent pour le financer. Vous prenez part aux 6es JCA avec une carte blanche du Fifog. Parlez-nous de cet événement... Cela fait des années que j'évoque avec Salim Aggar une participation à cette manifestation. J'y prends part pour la première fois, avec deux films. « Ydir », présenté déjà au Festival du film amazigh à Tizi Ouzou. C'est une vision critique sur l'idéologie et la langue dominantes. Je suis content d'apprendre que la langue amazigh est reconnue officiellement car mon film sera considéré moins tabou. « Koceïla » relate l'histoire d'un enfant. Dans tous mes films, j'ai collaboré avec le comédien Faouzi Saïchi. Il ne s'agit pas de montrer seulement mes films. Il y aura la projection de films suisses dans le cadre du Festival du film oriental de Genève. Citons entre autres « Cendres de volcan » de Maria Nicollier, « L'Epine » de Clément Vieux, « Regards » de Noreddine Kebaïli, « Parvanheh » de Talkhon Hamzavi. Peut-on connaître le programme du prochain Fifog ? Le Festival international du film oriental de Genève est une manifestation incontournable dans le paysage culturel de la Suisse romande qui promeut le cinéma, la diversité et le dialogue culturels. Porté par plus de 200 partenaires, il présente annuellement une centaine de films, tous genres confondus, accompagnés d'une soixantaine d'invités en provenance d'Orient et d'Occident. Le Fifog aura lieu du 11 au 17 avril prochain. On veut célébrer la thématique de la liberté, sa représentation par le cinéaste ou des histoires qui racontent des parcours de recherche de liberté. On est tous dans notre vie balisés par des barricades, et notre combat quotidien, c'est de repousser ces frontières. Cette année, trois films algériens seront présents : « Courage » de Merzak Allouache, « Maintenant, ils peuvent venir », de Salem Brahimi, et « Fadhma N'soumer » de Belkacem Hadjadj. Les JCA commencent à mûrir, qu'en pensez-vous ? Une telle initiative est à saluer comme toute manifestation qui vise à repousser les frontières de l'ignorance, encourager la rencontre et développer l'art. Partagez-vous l'avis de ceux qui vous surnomment « le roi berbère » du film oriental ? Je le dois à un journaliste qui voulait être très poétique. C'est un très bel qualificatif que j'apprécie. Etes-vous toujours membre de l'ASJS et l'ASJC ? J'active toujours en tant que membre de l'Association suisse des journalistes spécialisés (ASJS) et de l'Association suisse des journalistes cinématographiques (ASJC). Comme il faut faire des réunions régulières, il y a un comité de direction. On reçoit puis on valide. Je ne prends pas forcément part à toutes les actions menées et les stages de formation. J'aime bien réaliser, j'enseigne et je fais de la critique. Y aurait-il une suite à « Yidir » ? Je prépare le dernier volet de la trilogie. J'envisage de réaliser prochainement « Dihia », une adaptation de l'œuvre « Le dormeur du val ». Un autre projet en cours ? J'ai coécrit avec Faouzi Saïchi un scénario pour les besoins d'une série télévisée de 24 épisodes. Une adaptation à l'algérienne de Don Quichotte.