Le candidat de l'opposition, le milliardaire sunnite et ancien Premier ministre, Najib Mikati, a été chargé hier par le président libanais de former le nouveau gouvernement, après avoir reçu le soutien de la majorité des députés. L'opposition OK, Saad Hariri KO. Les actes de violences perpétrés hier par les partisans de Saad El Hariri, et dénoncés par celui-ci, dans plusieurs villes sunnites du Liban, en signe de protestation contre sa candidature, et les pressions diplomatiques occidentales n'ont pas empêché le représentant du camp de l'opposition, Najib Mikati, milliardaire sunnite, d'être désigné, hier, Premier ministre au terme des consultations que le président de la République, Michel Sleimane, avait engagées avec les chefs de groupes parlementaires. 65 des 128 députés se sont exprimés en faveur de cet ancien Premier ministre. En dépit des sévères critiques dont il fait l'objet depuis l'annonce de sa candidature, de la part du camp du 14 Mars, dont le parti Le Futur d'El Hariri est l'un des piliers, le nouveau Premier ministre s'est voulu conciliant : « Cette nomination n'est pas une victoire d'un camp contre l'autre, dit-il à l'issue de sa rencontre avec le président de la République, qui a publié le décret, «c'est la victoire de la réconciliation aux dépens des divergences. Je tends la main à toutes les parties». Saad El Hariri qui a déjà fait savoir son refus de prendre part à un gouvernement dirigé par un candidat soutenu par le puissant mouvement de résistance de Hassan Nasrallah, a obtenu 60 voix. Son gouvernement d'union nationale s'est effondré le 12 janvier suite à la démission des onze ministres du Hezbollah sur fond de divergences autour du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) chargé d'identifier et de juger les assassins de l'ancien Premier ministre Rafik Hariri, tué le 14 février 2005 dans un attentat à Beyrouth. Le Hezbollah, qui accuse le TSL d'être «à la solde d'Israël et des Etats-Unis», voulait que Saad El Hariri désavoue le tribunal. Mais ce dernier a refusé tout compromis sur le TSL. Quelques heures avant l'annonce de la victoire de Mikati, l'armée s'était déployée dans plusieurs régions pour cette «Journée de colère» durant laquelle les protestataires pro-Hariri ont attaqué et incendié une voiture de la chaîne Al-Jazira dans le nord et brûlé des pneus et coupé des routes dans le pays. Signe de dépit ou de panique ? Force est d'admettre que la victoire de l'opposition contre le Premier ministre sortant est éclatante, et s'inscrit parfaitement dans les règles démocratiques garanties par la Constitution libanaise qui a pris de court le camp du 14 Mars, et particulièrement celui d'El Hariri, dont le soutien américano-saoudien n'a pas, semble-t-il, suscité la force escomptée. Lundi, soit à la veille de l'élection de Mikati, le porte-parole du Département d'Etat a mis en garde contre «l'impact qu'un pouvoir accru du mouvement chiite libanais Hezbollah aurait sur les relations entre les Etats-Unis et le Liban». «Plus grand sera le rôle joué par le Hezbollah dans ce gouvernement, et plus problématique sera notre relation», a déclaré Philip Crowley. Les Etats-Unis considèrent le Hezbollah comme une organisation terroriste, et pointent en particulier ses liens avec la Syrie et l'Iran. L'administration Obama apporte une aide économique et militaire au Liban. Interrogé sur la possibilité légale de poursuivre cette aide si le gouvernement du Liban était dominé par une organisation jugée «terroriste», M. Crowley a répondu que «cela serait difficile à faire pour les Etats-Unis» en réitérant le soutien de l'Amérique au TSL. La France a appelé hier le nouveau Premier ministre libanais à former son gouvernement «dans le cadre de la Constitution» par «le dialogue», et «à l'abri de toute ingérence» extérieure. Autre signe du désarroi français : la visite officielle en Syrie du président de l'Assemblée nationale française Bernard Accoyer, prévue aujourd'hui, a été reportée sine die «compte tenu de l'évolution de la situation régionale, notamment au Liban». Le secrétaire général du Hezbollah a appelé à donner un an de grâce au nouveau Premier ministre.