Selon le ministère du Tourisme tunisien, la baisse de l'activité touristique est de 26 %. Quant aux données publiées par l'Office de l'aviation civile et des aéroports (Oaca), elles révèlent que le trafic aérien des voyageurs dans les aéroports tunisiens a reculé de 21,5% pour s'établir à 3.768.000 voyageurs, contre 4.798.000 voyageurs au cours de la même période de 2014. Tunis est triste pour ses touristes. Mais elle ne veut pas s'avouer vaincue. Comme alternative, elle propose le tourisme médical. Elle a des atouts à faire valoir dans ce domaine. Les Tunisiens parlent d'une médecine qui est réputée pour sa qualité et son accessibilité. Des plateaux médicaux à la technique de pointe permettent aux praticiens d'assurer des soins performants dans des conditions optimales de sécurité et d'hygiène et avec un taux de réussite très élevé dans les interventions. Ces atouts ont fait mouche d'autant que le pays dispose d'environ 40.000 sites touristiques éparpillés sur tout le territoire. Le pays du Jasmin vise trois cibles. Le marché de voisinage composé essentiellement d'Algériens et de Libyens, le marché européen et le marché de l'Afrique centrale et subsaharienne. Il faut dire que le tourisme de santé est destiné beaucoup plus aux étrangers (européens et surtout africains) qu'aux maghrébins. 50% des cliniques privées tunisiennes travaillent avec des étrangers. En plus des soins, les patients bénéficient d'un service touristique, histoire de joindre l'utile à l'agréable. Des conventions sont signées dans ce contexte entre opérateurs touristiques (hôtels, agences de voyages) et cliniques privées qui offrent ce type de prestation. Le but du tourisme médical est avant tout d'obtenir un coût plus avantageux à celui pratiqué dans le pays d'origine mais également de bénéficier de l'expertise de spécialistes et de la qualité des hôpitaux certifiés au niveau international. Par exemple, une opération pour le traitement d'une malformation vasculaire cérébrale qui coûterait 30.000 euros en France revient en Tunisie à 5.000 euros. Parmi les soins les plus demandés lors du tourisme médical, on compte la chirurgie esthétique et les soins dentaires. L'objectif... Dans un point de presse qu'elle a tenu jeudi dernier en son siège à Tunis, la ministre du Tourisme et de l'Artisanat tunisien, Mme Salma Elloumi Rekik, a affirmé que le secteur vit une situation conjoncturelle et « nous avons pris les mesures nécessaires pour sécuriser les accès du pays, les aéroports et les zones touristiques ». Elle a affirmé que son pays veut développer davantage le tourisme médical. L'objectif, c'est de diversifier son produit touristique et améliorer sa qualité pour être au diapason des mutations internationales. Elle a annoncé, dans ce sens, que des conventions de coopération seront signées prochainement avec les ministres de la Santé africains qui vont se réunir fin mars. Mais comment le tourisme médical est-il pratiqué au niveau des cliniques privées ? Bilel Zakhama est directeur général du Centre hospitalier international Carthagène. Une clinique située au Centre urbain-nord, à proximité de l'aéroport Tunis-Carthage. Ses spécialités : la pneumologie interventionnelle, l'hémodialyse aiguë, la cardiologie, la réanimation médicale,l'anesthésie-réanimation, la neurochirurgie, la chirurgie plastique et réparatrice et la chirurgie ORL. « Nous avons des équipes de médecins et de cadres qui se déplacent à l'étranger pour signer des conventions et faire des propositions concernant à la fois les programme de soins et le tourisme, notamment pour les gens qui ne connaissent pas la Tunisie », précise Bilel Zakhama. Pour lui, cette démarche vise un double objectif : promouvoir le système de santé tunisien et, par ricochet, le tourisme. Une combinaison qu'il juge très importante pour son établissement. Même topo à la clinique El Yosr, dont la directrice administrative et financière, Rym Banni, indique que l'établissement propose un package spécial aux patients qui comprend les frais des soins et ceux post-opératoires en leur assurant des prestations hôtelières confortables grâce à des conventions avec des hôtels pour pouvoir bénéficier de tarifs préférentiels. « Nous veillerons à ce que le séjour des patients soit confortable pour lui permettre de passer dans la sérénité le moment de son hospitalisation », souligne la directrice administrative. La clinique El Yosr est située au cœur de Sousse. L'établissement regroupe plusieurs spécialités, entre autres, la chirurgie plastique et esthétique, la chirurgie générale et digestive, la chirurgie de l'obésité, l'ophtalmologie et la neurochirurgie. « Pas très sérieux comme concept ! » La clinique Taoufik est un autre établissement spécialisé en chirurgie cardiaque, cardiologie interventionnelle, orthopédie, gynécologie, chirurgie thoracique et vasculaire, radiothérapie et chimiothérapie. Sa directrice générale, Leila Keffi, a fait savoir que l'établissement est conventionné avec différents hôtels et agences de tourisme. Toutefois, elle a précisé que 90% des Algériens ne demandent pas ce type de prestation. Pourquoi ? « Les Algériens connaissent le pays. Ils n'ont pas besoin de passer par nous pour le visiter. Nos offres sont destinées beaucoup plus aux étrangers », a-t-elle expliqué. La clinique Les violettes, implantée à Nabeul, fait partie aussi de ces établissements qui pratiquent le tourisme médical. Son directeur administratif et financier, Mehdi Khalladi, précise que seuls les touristes européens et africains sont concernés par ce type de prestation. « Il y a des patients qui viennent de loin qui ont besoin d'être pris en charge aussi bien durant la période post-opératoire que durant la convalescence. Ils auront le choix de rester à la clinique et suivre les soins ou dans un hôtel pour des séances, par exemple, de thalassothérapie », dit-il. En revanche, certaines cliniques ne pratiquent pas le tourisme médical. C'est le cas de Soukra, spécialisée dans la neurologie, la médecine physique et rééducation et réadaptation fonctionnelle. Son président du conseil d'administration, Rachid Manai, estime que le tourisme médical est un concept « pas très sérieux ». Même s'il trouve l'idée ingénieuse, M. Manai observe que les patients veulent avant tout se soigner. Pour lui, le travail le plus réfléchi à faire serait d'« encadrer » et d'« organiser » ce domaine. 200 millions de centimes La visite des cliniques privées au pays du Jasmin permet de constater leur développement incontesté sur le double plan sanitaire et infrastructurel. Ces établissements disposent de plateaux techniques à la pointe de la qualité et de la modernité. Mais cela sera-t-il suffisant pour séduire les patients étrangers ? Le pari n'est pas gagné d'avance. Rencontré lors d'un point de presse organisé par la ministre tunisienne du Tourisme, un journaliste burkinabé a fait savoir que seuls les soins intéressent ses compatriotes. « Les Tunisiens ont des infrastructures de santé très pointues que nous n'avons pas chez nous. Ils ont un savoir-faire reconnu. Si les Burkinabè viennent ici, c'est pour se faire soigner et non pour faire du tourisme », souligne-t-il. Et puis, il y a la volonté et l'engagement des établissements de santé pour ce type de prestation. Le tourisme médical n'est pas pratiqué au niveau de certaines entités et est timide au niveau des autres. Les tarifs des soins risquent eux aussi de dissuader les patients avant même de penser à faire du tourisme. Témoignage : « Les prix sont inaccessibles pour les simples citoyens. J'ai déboursé la somme de 200 millions de centimes pour pouvoir me soigner ici », indique un Algérien natif de Bordj Bou Arréridj. Originaire de la wilaya de Sétif, un homme de 35 ans est le deuxième Algérien à préférer se soigner dans cette clinique. Il est venu pour une rééducation après avoir subi une intervention chirurgicale en Algérie au niveau des jambes. Il a affirmé que les prix sont « exorbitants ». Réponse des gérants : la santé n'a pas de prix.