Il y a comme un goût d'inachevé dans ce mois de ramadhan. Cette longue et besogneuse période de jeûne tire à sa fin sans éclaircie apparente sur les marchés, notamment celui du poisson qui commence à nous titiller les narines. Pourtant, dans la deuxième décade du jeûne, en bons Méditerranéens que nous sommes, les plats tournent à la saveur marine pour changer de décor culinaire. Force est de constater que le poisson se fait rare sur les étals, ou alors vendu à un prix inaccessible. Toutefois, les anciens arrivent toujours à se faufiler dans les arcanes de la pêcherie pour dégoter leur petite «cassouila». Aujourd'hui, cette précieuse part se compose uniquement de poisson chat ou de chien de mer. Même que le poisson «diable» se fait passer pour une raie. La mer n'a pas été généreuse ce mois ci, les chalutiers retournent bredouilles avec un chargement squelettique sur le port de Bouharoun. Bon gré mal gré, on s'en tient à cette minuscule prise pour rentrer à la maison avec un petit lot de poissons, question d'embaumer la cuisine à l'odeur marine. On se prend à croire que le repos biologique est pour quelque chose dans ce manque. Aucune raison valable n'est venue battre en brèche ces ragots. Les spéculateurs sont passés par là, les véritables loups de mers ne font pas de cadeaux. De connivence avec leur pairs chevillards ils alignent le prix du poisson à celui des viandes rouges. Tel est le bilan de cette équipée sauvage. Il nous faudra attendre longtemps pour arriver à alterner nos plats entre viandes et poissons. En fins gourmets, il nous arrive parfois de rêver à un mérou au four question de se débarrasser de la lourdeur quotidienne de la viande. Aujourd'hui, on en reste à la viande hachée pour parer à la saignée financière qui fait toujours des victimes sur les marchés. Si tout va bien inchallah, on l'aura notre bouillabaisse. Ce bouillon à petit prix comme l'indique son jeu de mot, reste pour le moment hors de portée. Il est parfois des moments où l'on se demande à quelle sauce doit-on manger.