Des centaines de milliers de maisons bâties par les citoyens durant les années 1990 ne sont toujours pas achevées quand elles ne sont pas construites anarchiquement. C'est le constat fait, hier, par des experts lors du forum du quotidien El-Mihwar, au cours duquel la problématique du logement et des normes urbanistiques a été débattue. Il semble que l'absence d'un cadre juridique est la cause de cette anarchie architecturale caractérisée par l'absence totale de contrôle et de suivi des projets de construction. Selon le docteur Abdelkrim Chelghoum, expert en sismologie, le monde de l'urbanisme en Algérie souffre de l'absence d'un code parasismique et d'une instance de risque majeur indépendante et souveraine dans la prise de décision. Selon lui, le code sismique adapté en 1980 du modèle américain a montré ses limites. Et les séismes de Chlef, de Boumerdès et les inondations de Bab El-Oued ont montré les limites de ce code sismique. « Lors du séisme de Boumerdès en 2003, on a enregistré l'effondrement de 2.500 immeubles du secteur public qui ont été bâtis sur les normes de ce code parasismique qui ne repose pas sur une base scientifique », a-t-il dit. « Mais rien n'a été fait pour corriger cette faille », regrette l'expert. Il donnera l'exemple du tunnel de Djebel Ouahch de Constantine qui s'est effondré sans que la moindre secousse tellurique ne survienne. Un projet réalisé par l'entreprise japonaise Kojal, qui a coûté plus de 400 millions d'euros. Il s'est effondré car il est construit selon le code sismique algérien. « Même les multiples ponts réalisés au niveau de l'autoroute Est-Ouest par les Japonais et les Chinois ne sont pas à l'abri d'un effondrement », avertit Abdelkrim Chelghoum qui évoque le projet de la Grande-Mosquée d'Alger. A ce sujet, l'expert estime que le projet en question est construit sur l'une des failles sismiques que connaît Alger. « Il faut avoir étudié le sol pour construire un tel projet », fait-il remarquer. La précaution est valable pour l'ensemble des projets édifiés dans l'Algérois et ailleurs. D'autant que, selon lui, la plupart des projets sont construits aux abords des oueds. Il cite l'exemple des oueds Kaouache, Zouana et Béni Messous. Il préconisera de mettre en place une commission nationale d'expertise chargée de vérifier la construction dans les différents oueds de la capitale. Quelle solution pour les constructions inachevées ? Les constructions inachevées restent un casse-tête pour les pouvoirs publics qui veulent en finir avec ce problème qui défigure l'urbanisme en Algérie. Selon Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts-architectes, la majorité des propriétaires concernés par la loi sur la conformité de la construction de logements n'ont pas encore assaini leur situation. Pis encore, ils continuent à construire sans le moindre respect des normes de construction. « Certains sont autorisés à construire en R+2, mais se retrouvent à ériger 5 étages sans se conformer au permis de construire délivré par les autorités locales. D'autres devant bâtir en R+3 réalisent uniquement le rez-de-chaussée, dont des garages, et laissent le reste inachevé. » Autant d'exemples qui démontrent que le secteur est livré à lui-même en l'absence de contrôle. Une situation qui fait dire à Boudaoud qu'il faut retirer aux APC et aux daïras la prérogative d'étudier le dossier de la conformité et de la régularisation des projets de construction, car « elles n'en ont ni les compétences ni les moyens ».