Rabia Douibi est tombée sous le charme de Tamanrasset dès son arrivée dans la ville ocre en 1987. Formatrice des années durant à l'institut de l'éducation, elle s'est laissée envouter, et depuis sa retraite en 2001, dit-elle. « Je vis entre ici et là-bas. » Un peu comme si une partie de son âme est restée accrochée aux piémonts du majestueux Ahaggar, prisonnière de ses sortilèges. Elle a déjà publié quatre ouvrages, notamment le « Vent de la discorde » dont elle espère faire un film. Une de ses publications a été présentée récemment à l'Anep. Au passage, il faut signaler que cet éditeur mène un travail méritoire de promotion des ouvrages qu'il publie. L'ouvrage de Mme Douibi est un beau livre, un recueil des poésies de l'Ahaggar que les magnifiques photos du regretté Fayçal Azzedine rendent plus attrayant. Il contient une quarantaine de poèmes méconnus qui ont traversé les siècles. Ils sont un miroir des passions, des angoisses et des rêves des « hommes qui marchent », pour reprendre une belle expression qui a servi de titre au premier roman de Malika Mokeddem. C'est en se rendant auprès des « anciens » dans les campements, du côté d'Idèles et d'autres endroits qu'elle a happé, au bout de trois ans de recherche et de collecte, ces paroles. L'ensemble, écrit à juste titre l'ex-ministre de la culture Mme Khalida Toumi, « constitue un matériel linguistique anthropologique et historique précieux ». Il est présenté en version originale, dans cette écriture tifinagh que les hommes du désert ont préservée et en traduction française. L'auteur s'inscrit, ce faisant, dans la même démarche que Mouloud Mammeri, Boualem Bessaieh et d'autres qui ont consigné ces trésors d'une culture immémoriale que les vents de la modernisation dispersent au gré du vent de l'oubli. La société touarègue n'est plus ce qu'elle était. Ses fondements, comme le commerce caravanier, le nomadisme, sont ébranlés. Pis, elle est depuis quelques années au cœur d'un vent de discorde qui a introduit des germes de violence et dénature sa perception de la religion. Assouni Kadda, Amriouadh Fadinata dite Chena ou Moussaoui Kounta sont parmi ceux qui ont chanté les charmes de la vie des nomades, la beauté des veillées de l'Ahal, une de ces cérémonies conviviales de la société touarègue d'antan. « En fait, on trouve de tout dans ce florilège, y compris une ode à la passion qui n'a rien à envier à Roméo et Juliette », explique l'auteur. Cette dernière reconnaît avoir trouvé de l'aide auprès des responsables du Parc de l'Ahaggar et de la maison de la culture pour réaliser l'œuvre préfacée par Rachid Bellil, un des meilleurs connaisseurs des espaces désertiques. Lors d'une discussion qui a suivi la présentation, cette passionnée du désert a plaidé pour la sauvegarde de ce pan important de l'identité nationale. L'une des voies royales paraît être la chanson touarègue en plein renouveau. Elle peut s'avérer un outil de revivification. Ce patrimoine, qui paraît si éloigné, traduit ce que ressentent tous les hommes et la diversité de la culture algérienne.