Il me propose un tarif exorbitant pour me transporter au centre-ville. Alors, je décide d'affronter la canicule et la distance et prends le chemin de la ville d'un pas déterminé. Le soleil est écrasant en cette mi-juillet et selon toute apparence, l'année a été bonne à voir toutes ces mottes de foin éparses sur les vastes champs. Les premières maisons apparaissent enfin et on se croirait dans n'importe quelle ville ou bourgade d'Algérie, tant les bâtisses se ressemblent avec leurs garages au rez-de-chaussée et leurs étages sans âme, aux fenêtres barreaudées. Mais Dieu merci, ce ne sont que de hideuses constructions qui n'ont pas altéré l'image accueillante d'une ville très agréable, très propre et surtout très belle. Avec ses larges avenues boisées, ses édifices de style qui ont gardé intact ce cachet de vieille pierre, de tuiles et de belle ferronnerie. En fouinant, j'ai réussi à trouver un hôtel ou plutôt « un dortoir », comme c'est de mode dans les villes présentement. A la réception, je demande s'il est possible d'avoir une chambre individuelle et on me répond que oui à condition d'y mettre le prix. Je dépose mon bagage et mon corps fourbu sur le semblant de lit, mais qu'importe, j'ai la paix et l'intimité. Il fait torride et la douche, il faut attendre son tour dans la douche collective. Enfin requinqué du long voyage, je sors dans l'après-midi qui décline et allonge démesurément l'ombre des palmiers et des jujubiers. Le nom de la ville vient du berbère Ighil Izane qui veut dire « col brûlé ». Lors de leur conquête, les Turcs en ont fait un bordj, une citadelle, pour mieux surveiller la route d'Oran. A l'instar de toutes les villes et villages d'Algérie, Relizane est le produit d'une longue histoire qui commence au deuxième siècle avant JC, à l'époque des Numides, et continue avec l'occupation romaine, prenant le nom de l'antique Mina en référence au cours d'eau qui longe la cité. Près de cinq siècles, les Romains resteront dans cette région qui connaîtra alors son apogée commercial en raison de la fertilité des ses terres et la richesse de son sol. Plus tard, à la fin du VIIe siècle, vers l'an 680, les tribus de Relizane s'étaient alors toutes converties à l'islam. Ce n'est qu'en 1852 que les troupes françaises occupent Relizane qui deviendra alors commune de plein exercice, en 1871. La France coloniale accueillera alors les premiers colons qui s'installent dans les plaines fertiles, cultivent le blé, l'orge et le coton sur des superficies enlevées de force aux autochtones qui deviendront ouvriers sur leurs propres terres. Autant d'injustices qui, en 1865, généreront la fameuse révolte des Ouled Sidi Cheikh qui gagnera tout le Sud oranais jusqu'en 1895. Du point de vue économique, la région de Relizane renferme de grandes potentialités agricoles et touristiques, s'inscrivant ainsi en droite ligne dans le processus de relance qui doit se substituer aux hydrocarbures. Ainsi, à ces deux secteurs qui doivent impérativement booster l'économie locale s'ajoute celui particulier de l'industrie textile avec le très prochain lancement de pas moins de huit usines dans le cadre d'un partenariat algéro-turc. Quant au tourisme, les deux sites naturels de Tamda et Mentila, des lieux-dits à l'aspect de magnificence invitant au clame et à la sérénité et qui furent longtemps délaissés, vont être réhabilités et réaménagés pour servir d'espaces de repos et de grandes balades et de randonnées à travers les forêts denses, les stations thermales et les montagnes. La nuit enveloppe déjà la ville et devant se dresse majestueusement la mosquée au minaret lumineux. Aux alentours, les terrasses des cafés ne désemplissent pas, car c'est l'heure où les gens sortent prendre l'air. Nous errons dans l'avenue et les ruelles avoisinantes où, à l'ombre des ficus, de paisibles vieillards devisent sur le temps qui passe. On reconnaît les gargotes au rouleau de chawarma qui tourne, dépecé par le couteau expert du commis au sandwich. Nous pénétrons dans la chaleur moite de l'une d'elles. Un plat typique de Relizane ? Le garçon énumère ou plutôt annone sur un ton de dépit les mets qu'on trouve partout en Algérie. Nous optons pour un couscous au mouton. Sans trop de conviction. Mais à notre grande surprise, il se révèle délicieux avec ses courgettes, ses navets, ses pois chiches et son morceau de viande qui trône seigneurial au-dessus de la montagne de grains blancs. Le patron, devinant sans doute l'étranger qui se restaure chez lui, sort de derrière sa caisse et vient s'enquérir de la situation. Nous ne manquons de rien et la gazouze est offerte, nous dit-il. Décidément, cette ville n'en finit pas d'étaler sa générosité.