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Bouira, sur le chemin de l'essor
Les randonnées d'Aliouat
Publié dans Horizons le 18 - 01 - 2016


Encore une histoire de lions ! Après Souk Ahras qui puiserait donc son nom d'un marché aux lions, Bouira n'échappe pas à une nomination de félins puisqu'elle devrait son nom à une source où venaient s'abreuver les tribus de passage et qu'attaquaient alors des lions en embuscade. Bouira viendrait donc de Vou iran qui signifie en berbère « le lieu des lions ». Cependant, une autre version tout aussi valable et crédible attribuerait le nom de Bouira à la contraction du mot « bir », puits, qui servait de lieu de rencontre des passagers. Du point de vue de l'histoire, Bouira est un haut lieu de la résistance à l'occupant colonial depuis El Mokrani et l'émir Abdekader. C'est dans ces monts escarpés que le duc d'Aumale connut une cuisante défaite. La ville reste au carrefour de plusieurs cultures et on y parle aisément le kabyle et l'arabe. Quand on s'y approche, on remarque une vaste cité où domine la tuile rouge, cernée de toutes parts par des barres d'immeubles comme des remparts en béton. On entre dans la ville comme on entre dans une citadelle et on se rappelle même qu'il fut un temps où les Ottomans l'appelaient Bordj Bouira. De cette occupation turque, elle garde des lieux-dits aux consonances typiques comme la source dénommée Bordj el turc. Dès qu'on emprunte la brettelle qui mène en ville, c'est tout un alignement de marchands des quatre-saisons des deux côtés de la rue. Ensuite, on débouche sur une large avenue qui s'étend à perte de vue et des commerces ainsi que des banques et des administrations s'alignent entre des poulets qui tournent nonchalamment dans les rôtissoires et des monts de chawarma qui narguent le chaland. Cette nourriture importée de Turquie (ou du Liban, va savoir) est en passe de devenir un plat national avec le fameux omelette-frites. Pourtant, le couscous demeure ici indétrônable, seigneurial et non « royal » comme le dénomment des restaus européens en faisant un mélange outrageant de merguez, poulet, mouton... Il nous faut préciser que dans nos contrées on mange le couscous au mérou et à toutes les viandes mais jamais au merguez. Seigneurial, le couscous que nous offre notre hôte, Mustapha, un retraité de l'enseignement, féru des belles lettres, capable de parler des heures durant des romanciers et des poètes originaires de la région, Kaddour M'Hamsadji, Djamel Amrani, Hamid Nacer-Khodja... Nous passons en revue les personnalités de la ville et Dieu seul sait que Bouira en a enfanté. D'authentiques battants comme Slimane Amirat, celui-là qui laissa à la postérité cette formule qui entra dans l'histoire « Entre l'Algérie et la démocratie, je choisis l'Algérie », Mohamed Allalou, illustre boxeur qui monta au podium lors des jeux Olympiques de Sydney, Jean-Claude Brialy, grand acteur qui ne manquait de faire des pèlerinages à Sour El Ghozlane, sa ville natale. La nuit tombe et nous nous mettons à la recherche d'un hôtel. Nous le trouvons à la sortie nord de la ville et il y a peu de clients. Le maître de céans nous confie que les affaires ne sont pas florissantes et il arrive quand même de recevoir du monde quand la station de Tikjda affiche complet pendant les vacances d'hiver essentiellement. Peut-être qu'avec l'inauguration de la nouvelle zone industrielle de Dirah qui va accueillir des usines de montage de marques automobiles connues, la ville va connaître un essor qui va booster le commerce avoisinant. En attendant, Bouira, au cœur d'un site montagneux majestueux, attend de vivre de sa véritable ressource, le tourisme. Plus exactement le tourisme de montagne si peu développé chez nous malgré les énormes possibilités qu'il offre. Sous d'autres cieux, les « séniors » comme on appelle les retraités, se bousculent pour faire des randonnées pédestres. Parce que la montagne est normalement dotée de relais, de chambres d'hôte avec guides chevronnés et aussi cuisine du terroir. Le parc du Djurdjura et le site de Tikjda présentent les conditions idéales pour ce tourisme mais manquent cruellement de structures d'accueil. Ce tourisme ne demande pourtant pas de moyens énormes pour réussir, pas d'hôtels haut de gamme ou de sites classés. Juste des chalets simples et confortables, des refuges disséminés sur les circuits des randonneurs, là où ils pourront observer une halte pour se restaurer et même passer la nuit autour d'un feu de bois... Le moment est venu de quitter cette ville simple et attachante, avec ses habitants tout aussi chaleureux et accueillants. Direction Sour El Ghozlane, un autre lieu-dit chargé d'histoire. Il pleut dru. A la bonne heure.

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