Après le « carton » de « La route vers Istanbul » du réalisateur franco-algérien, Rachid Bouchareb, c'était au tour, dimanche dernier, du film égyptien « Nawara » d'être projeté pour la première fois en Algérie. Fresque socio-politique d'une étonnante charge émotionnelle, ce quatrième long-métrage de la réalisatrice prodige du grand cinéma égyptien, Hala Khalil, met en scène ou à nu une Egypte bousculée par les premiers soubresauts de la révolution du 25 janvier 2011 qui a conduit à la chute du président Hosni Moubarak. Très loin d'une approche purement politique, à l'image des grandes réalisations dans le genre, la cinéaste a braqué sa caméra sur Nawara (Nina Chalabi). Une jeune femme très dynamique, issue d'une famille qui office comme domestique dans la villa d'un ponte du régime, Ossama Bey. Elle vit dans un quartier défavorisé où elle est obligée de partager sa chambre avec sa grand-mère. La révolution de 2011 apporte de profonds bouleversements dans la vie de tous : ses employeurs décident de préserver leur sécurité en quittant le pays et lui laissent une importante somme d'argent. Face à la perspective d'une vie meilleure, Nawara et son fiancé, Aly, se mettent en quête d'une maison. Avec doigté et subtilité, elle met en scène l'effarante disparité entre les nouveaux riches et les millions de pauvres poussés à la place d'El Meidan pour faire tomber le régime corrompu. « Initialement, je ne cherchais pas à faire un film sur la révolution du 25 janvier mais son poids populaire m'a poussée à revoir ma copie », explique la réalisatrice lors de la séance-débat qui a suivi la projection. Faisant de la justice sociale le cheval de bataille de sa production, elle s'en va, par la force de l'image, décrire l'extrême indigence d'une population asservie par le système de Moubarak. Hala Khalil y dénonce aussi le « détournement » de la thawra par les nouveaux maîtres du pays. « Le rêve s'est transformé en cauchemar », regrette-elle en indiquant que le film « Nawara » est la première partie d'une trilogie entièrement dédiée à la révolution du 25 janvier. Les deux autres, « Armée et bandits » et « Nuit de révolution », sont actuellement en chantier. Présent à la projection, la grande star du cinéma égyptien, invité d'honneur de cette édition, Farouk El Fichaoui, n'a pas tari d'éloges sur le travail « exemplaire » de cette réalisatrice qu'il qualifie de « pilier » de la nouvelle génération de cinéastes. A. G. Un film de Hala Khalil Egypte, 2015, long-métrage fiction, 2h02, DCP Interprétation : Menna Shalabi, Mahmoud Hemeda, Sherine Reda, Ameer Salah Eldin, Ragaa Hussein. Réalisatrice : Hala Khalil Scénario : Hala Khalil Production : Safei Eldin Mahmoud (RedStar Production) 2016 | 5th Luxor African Film Festival, Egypt