Universitaire, chroniqueur de presse et membre du Cnes, Amar Belhimer vient de publier un ouvrage*, pour, note-t-il, dès les premières lignes, « faire la lumière sur le plus grand tsunami politique qui a frappé le monde arabo-musulman ». Le lecteur aura vite constaté qu'il s'agit en fait des chroniques qui paraissent dans « le Soir d'Algérie », chaque mardi. Notre confrère a procédé à une réécriture et un agencement de telle façon à dérouler le fil d'Ariane qui tisserait la trame de ces événements. Certes, le terreau avec des économies davantage redistributives que productives, un lot d'inégalités et un déficit démocratique paraissaient favorables à une explosion. La contestation, qui a ébranlé divers pays à partir de 2011, fut aussi un levier actionné par les USA pour reconfigurer le monde arabe et islamique afin de préserver leurs intérêts. Selon l'auteur, l'avènement du « printemps arabe » ne serait pas fortuit mais procéderait d'une stratégie murement réfléchie. Commentant le contenu de diverses publications notamment américaines comme la revue Foreign Affairs ou Jornal of Démocratie et divers livres et rapports de think tank, il dessine ses contours. Il s'intéresse aux raisons de son déclenchement, aux rôles des ONG et des réseaux sociaux et surtout à ses effets ravageurs n'hésitant pas à parler de « recolonisation ». Il rappelle de multiples projections émises par des organismes comme la Banque mondiale, ou des experts qui élaborent la réflexion stratégique des USA, d'Israël ou de l'Otan. Ainsi, du concept des « aléas de l'approvisionnement énergétique » élaboré en 1999 par l'organisation transatlantique pour prendre en charge la sécurité dans les zones de production et d'acheminement du pétrole. Calculs cachés Cette démarche vise à mieux connaître, a-t-il expliqué, samedi dernier, lors d'une présentation de son livre à la libraire de l'Anep, les raisons et les calculs cachés de cet avatar du Grand Moyen-Orient (GMO). Cette théorie élaborée du temps de George Bush vise à faire des musulmans de simples consommateurs et à intégrer leurs économies dans la mondialisation des produits. Cela rend, écrit-il, « l'islamisme politique parfaitement soluble dans des choix économiques et sociaux néolibéraux qui n'entravent pas les intérêts énergétiques et commerciaux occidentaux » (p. 47). Il évoque aussi le rôle des sous-traitants dévolus à certains pays comme le Qatar ou l'Arabie saoudite. Interrogé sur l'Algérie, il a expliqué que le relèvement des salaires de nombreuses catégories sociales, le recrutement massif dans la Fonction publique et la part des transferts sociaux dans le PIB (12%) ont permis d'amortir le choc. Il plaidera par ailleurs pour l'émergence d'un Etat de droit inclusif assis sur une base sociale élargie. Selon lui, citant un communiqué du conseil des ministres d'avril, « le pays doit enfi renouer avec les réformes interrompues en 1991 ». L'auteur est catégorique. Le bilan des printemps arabes est désastreux. Evoquant les cas de la Syrie, de la Libye et de l'Egypte, il s'attarde sur l'effondrement des Etats-nations et l'aggravation des inégalités sociales et économiques. Le livre n'est certes pas le fruit de rencontres avec ceux qui ont pris une part active dans ces événements. L'auteur élude quelque peu les dynamiques internes qui parfois s'ancrent dans l'histoire que par les seuls paramètres économiques. Le grand mérite de Belhimeur est surtout d'avoir réuni un faisceau de projections pour éclairer la logique qui sous-tend ces événements qui préfigurent le monde de demain. R. Hammoudi *Les Printemps du désert, 258 pages Editions Anep, 650 DA