Selon le chercheur Hani Abdelkader de l'Université de Sidi Bel-Abbès, parmi ces écrivains, figure Jeanne Benguigui, qui s'est spécialisée dans les contes du terroir belabbésien. De l'avis de Hani, même si pour la quasi-totalité des hommes de lettres français, Sidi Bel-Abbès est une ville coloniale de création ex nihilo, le terroir belabbésien existe bel et bien dans une culture traditionnelle rurale dont il ne reste que quelques traces. Selon le conférencier, Jeanne Benguigui fut la seule à avoir essayé de sauver de l'oubli ce qui restait des contes du terroir belabbésien. Jeanne Benguigui a vécu à Sidi Bel-Abbès. Eblouie par l'image d'un père arabisant grisé de musique indigène, qu'elle voyait souvent improvisant devant un auditoire en haleine, et bercée par des histoires fantastiques que lui contait une grande tante espagnole chargée de l'endormir. Il n'en fallut pas plus pour éveiller chez cette enfant ultra sensible ses dons de conteuse. « Adulte, elle a préféré collecter les contes populaires du terroir belabbésien qui se sont conservés et nous sont parvenus de bouche à oreille, de génération en génération », a-t-il souligné ajoutant que ces contes ont subi, de ce fait, de profondes altérations, éclatant souvent en de nombreuses variantes. En écrivant ce livre, « Contes de Sidi-Bel-Abbès : comme un verger d'amandiers » paru en 1992 à Paris aux éditions L'Harmattan, Jeanne Benguigui a le mérite d'avoir fixé, par une grande partie de la tradition orale du terroir belabbésien, l'intégrant ainsi dans le domaine de la littérature. C'est qui a été fait par exemple pour « Les Contes de ma mère l'Oye » de Charles Perrault. Ancienne ville fortifiée En effet, Sidi Bel-Abbès était une ville coloniale avec une histoire coloniale. Les écrits des écrivains français, c'est souvent la chronique de milliers de colons venus de France et de plusieurs autres pays d'Europe et qui ont voulu bâtir une « société nouvelle ». Malheureusement, pas à côté de la société qui y existait déjà, mais sur son cadavre. On peut attribuer le premier écrit évoquant la région de Sidi Bel-Abbès à Eugène Daumas qui a transité en 1838 par la région. « On arrive à l'oued Mekerra, rivière profonde de deux pieds et large de douze. Plusieurs sources viennent se jeter dans l'oued Mekerra. Aussi, trouve-t-on de l'eau en été comme en hiver. Champs cultivés à droite et à gauche. Bon gué sur la rivière et à 50 pas plus haut et sur la droite, un marabout », avait écrit Cournillon Pierre dans son ouvrage « La figue de l'oncle ». C'est probablement, a estimé le Dr Hani, sur ces observations que le voisinage du marabout fut choisi en 1842 pour installer une caserne de militaires et en 1847 pour y bâtir une ville fortifiée. Les premiers écrits concernant la nouvelle ville de Sidi Bel-Abbès sont le fait de militaires ou de fonctionnaires français envoyés à Sidi Bel-Abbès ou d'élus européens de la nouvelle ville. Comme le comte A. Villetard de Prunieres qui a fait en 1860 un premier historique de la ville. Lacretelle et son fils, et plus tard le maire Bastide Léon qui écrit Sidi Bel-Abbès et son arrondissement en 1880 puis Léon Adoue avec « La ville de Sidi Bel-Abbès, histoire, légendes anecdotes ». Cournillon Pierre, a rappelé dans sa conférence le Dr Hani, est né à Sidi Bel-Abbès en 1922 dans une famille d'enseignants, nous raconte l'histoire de ces milliers de colons qui, établis en Algérie, ont construit une nouvelle société, mais malheureusement sur les ruines de la société algérienne. Pierre Cournillon, qui a fait ses études à Alger, raconte, en plein dans l'idéologie de Louis Bertrand, la naissance de la nouvelle société coloniale d'Algérie. Son roman « La figue de l'oncle » est l'histoire d'une famille de colons entraînée dans les luttes politiques entre colons dans le petit village de Sidi-Lahcen à Sidi Bel-Abbès, connu à l'époque coloniale sous le nom de Detrie. Berceau d'éminentes personnalités Le conférencier a également rappelé les écrits des légionnaires. « Sidi Bel-Abbès a été le berceau de la Légion étrangère. C'est ce que soulignent tous les prospectus et guides de tourisme consacrés à Sidi Bel-Abbès coloniale. Et de fait, durant la période coloniale, la Légion étrangère, corps de l'armée française, créée en 1831 par Louis-Philippe pour pacifier l'Algérie et composé de volontaires étrangers a drainé vers Sidi Bel-Abbès une multitude de têtes brûlées, marginaux dont la violence souvent aveugle était difficile à canaliser, même dans l'exercice militaire. Mais aussi d'éminentes personnalités, aux itinéraires et aux destinées souvent très singulières. Le Prince Aage de Danemark, le violoniste lituanien Ulrich et jusqu'au père de Nicolas Sarkozy, Pal Nagy-Bocsa y Sarközy engagé dans la Légion à Sidi Bel-Abbès en 1945 est déclaré inapte et démobilisé en 1948. Des mauvaises langues disent que pour éviter d'être expédié ensuite en Indochine, il trouva un médecin juif, hongrois comme lui, qui le déclara inapte au service guerrier. » Selon lui, la Légion étrangère ayant été souvent un thème favori de la littérature française, plusieurs écrivains, anciens légionnaires, ont évoqué leurs souvenirs belabbésiens. Blaise Cendrars, (1887-1961), poète, romancier et essayiste français. Engagé en 1914 dans la Légion étrangère et touché par un obus en 1915, il perdit le bras droit et raconte son expérience dans son roman « la Main coupée » paru en 1946. Arthur Koestler (1905-1983), écrivain britannique d'origine hongroise. Ernst Junger, écrivain allemand, que l'attrait de l'aventure pousse à s'engager dans la Légion étrangère décrit après un séjour à Sidi Bel-Abbès « Les Jeux africains » de Légion étrangère. Yves Salkin, officier de cavalerie, docteur en histoire, et général dans la Légion étrangère nous a légué un roman, « Au galop des Tcherkesses », paru en 1999. Dans cet ouvrage, il décrit la biographie du général Philibert Collet, né le 12 décembre 1896 à Sidi-Bel-Abbès. Des auteurs ont écrit sur sa beauté Le parcours d'Albert Camus, qui a fait un court séjour à Sidi Bel-Abbès, a été évoqué par le Dr Hani. Camus s'est exilé à Sidi Bel-Abbès où on lui propose un poste de professeur de latin au lycée Laperrine. Par la suite, après la mort de Camus, on broda des légendes toutes aussi fallacieuses les unes que les autres. On prétendit que durant son court séjour à Sidi Bel-Abbès, Paul Bellat, écrivain connu et respecté dans les milieux littéraires en France, grand prix littéraire de l'Algérie fut d'abord un chantre de la colonisation et un leader de l'Extrême-Orient colonial. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, romans, pièces de théâtre et recueil de poésie à la gloire de la colonisation. D'autres écrivains ont été mis en exergue, entre autres Nina Hayat, auteure du « Le regard de l'indigène aux semelles de vent », Albert Bénichou, auteur du livre qu'il a publié aux éditions SPEK, « Os clés, os suspendus » et « Les secrets du sacrum », Mireille Nicolas, avec son ouvrage « L'humanisme dans la guerre d'Algérie ».