Les services de sécurité sont unanimes : les quantités record de drogue saisies sont le fruit d'un dispositif sécuritaire efficace, notamment avec la contribution de l'ANP dans la lutte contre le narcotrafic au niveau des frontières. Toutefois, la prolifération de la drogue est due essentiellement à la situation sécuritaire des pays voisins démunis de capacités de lutte, notamment aux frontières, et par la passivité et la complaisance des services d'autres Etats, notamment le Maroc. En effet, ce pays garde sa place peu glorieuse de principal pays « exportateur » de drogue, notamment vers l'Algérie par voie terrestre. C'est ce qui ressort du bilan semestriel de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT), rendu public hier. Selon ce rapport, plus de 77% des quantités de drogue, notamment la résine de cannabis, ont été saisies dans la région ouest du pays. Les enquêtes des services de sécurité ont révélé que la drogue provient du Maroc. Mais qu'en est-il du dispositif de surveillance des frontières mis en place par le commandement de la Gendarmerie nationale (GN), y compris les tranchées creusées en 2013, sur la bande frontalière dans le cadre de la lutte contre la criminalité transfrontalière, notamment le narcotrafic ? Un haut cadre de la GN, chargé de ce dossier, a précisé que la quantité saisie « n'est pas un état des lieux, mais elle reflète l'action des services de sécurité dans la lutte contre ce fléau ». Il a rappelé qu'un dispositif sécuritaire est mis en place par la GN pour traquer les narcotrafiquants. « Ce dispositif est adapté et mis à jour selon les données du terrain. Sa particularité consiste en la coordination entre les groupements des gardes-frontières (GGF) et les unités de la sécurité routière et les brigades territoriales. La lutte se base essentiellement sur le travail de renseignement », a-t-il expliqué. Pour la GN, le renforcement du maillage territorial et les dispositifs de surveillance et de contrôle en surface et en profondeur au niveau des frontières ont contribué d'une manière significative dans la lutte contre la criminalité organisée, y compris le trafic de drogue. De nouvelles mesures ont été prises récemment pour verrouiller davantage les frontières ouest. Selon des sources locales et des témoignages d'estivants, un mur en acier serait en cours de construction sur le tracé frontalier au niveau de la localité de Boukanoun. Le responsable militaire a refusé toute déclaration sur cette question. L'Algérie, pays de transit Concernant les causes de la prolifération des drogues, une étude de la GN a cité la position stratégique de l'Algérie qui fait que « les réseaux de trafic de drogue ont profité de cette opportunité pour l'acheminement de drogue vers le Moyen-Orient ». Par ailleurs, le manque de coopération demeure un handicap dans la lutte contre le trafic de cannabis. Selon l'étude de la GN, l'activité criminelle transfrontalière persiste malgré sa régression durant le premier semestre. « Ce constat est dû essentiellement à la situation sécuritaire des pays voisins démunis de capacités de lutte et à la passivité, voire la complaisance, des services d'autres Etats », notamment le Maroc. L'Algérie est « un pays de transit seulement ». L'étude rejette le statut de pays consommateur. « Les grandes quantités saisies sont destinées à l'exportation et non à la consommation locale », a-t-on précisé. Pour la direction générale des Douanes algériennes, les mesures de sécurisation des frontières prises par les autorités, comme la réalisation de tranchées le long de la bande frontalière, ont largement contribué à la réalisation de ces saisies, selon le directeur de la communication auprès de cette institution, Yacine Tanem. « Des opérations combinées sont menées avec les GGF au niveau des frontières dans le cadre de la lutte contre le crime transfrontalier, notamment le trafic de drogue. La direction des Douanes a procédé à la modernisation des équipements et au renforcement de la couverture sécuritaire, notamment au niveau des frontières terrestres à travers l'installation des postes de surveillance et l'intensification du contrôle », a-t-il précisé. Notre interlocuteur a également mis en exergue les coups de filet réalisés par les unités de l'ANP qui contribuent fortement dans la lutte contre le narcotrafic transfrontalier « qui est lié intimement au terrorisme », a-t-on signalé. Nouveaux circuits d'acheminement De son côté, la direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) a souligné que les grandes saisies démontrent la vigilance et la mobilisation des services de sécurité. Un cadre de la direction de la police judiciaire (DPJ) n'a pas manqué de rappeler le démantèlement d'un réseau international de trafic de drogue dure (cocaïne), composé de 5 femmes tunisiennes. Ce réseau international activait sur l'axe Brésil-Emirats arabes unis-Maroc, avec l'Algérie comme pays de transit. Il a précisé que l'action de la police repose essentiellement sur le démantèlement des réseaux, notamment internationaux. En ce qui concerne les 16,67% des quantités saisies dans la région sud, les services de sécurité évoquent de nouveaux circuits d'acheminement de drogue en provenance du Maroc. Selon les enquêtes des services de sécurité, les narcotrafiquants ont changé d'itinéraire en optant pour le Sud-Est et le Sud- Ouest, notamment l'axe Ghardaïa-Hassi Messaoud-Ouargla-El Oued-Illizi pour traverser la frontière vers la Libye et la Tunisie pour se diriger vers le Moyen-Orient, et privilégient les pays du Sahel (Mali, Niger, Tchad et Soudan) pour rallier l'Egypte. Selon les services de sécurité, le trafic de psychotropes en provenance du Sahel est implanté principalement à Tamanrasset. Il a supplanté celui du kif traité. Le rivotril et le diazépam sont classés parmi les psychotropes les plus demandés par les jeunes. Même le Subutex, un traitement substitutif de la dépendance aux opiacés, est fortement consommé.