L'Algérie commémore aujourd'hui le double anniversaire du 20 Août 1955 (offensive lancée dans le Nord-Constantinois) et du 20 Août 1956 (Congrès de la Soummam). La librairie Chaïb-Dzaïr a marqué ces deux dates historiques en accueillant, jeudi dernier, à Alger, l'historien et anthropologue, Abdelmadjid Merdaci. Cette rencontre initiée par les Editions Anep, entreprise nationale de communication, d'édition et de publicité, s'est tenue en présence de l'ancien ministre de l'Intérieur, Daho Ould- Kablia, d'Abderrahmane Berrouane, ancien membre du Malg (ministère de l'Armement et des Liaisons générales), l'ambassadeur de la Croatie en Algérie, Martin Andrijasévic, et d'hommes de culture. Dans une brève déclaration, Sid-Ali Sekhri, ancien libraire et actuellement consultant à l'Anep, dresse un portrait de l'intervenant Abdelmadjid Merdaci qui est historien et sociologue de formation. Il est aussi professeur à l'Université de Constantine et auteur de plusieurs publications relatives à Constantine, au mouvement national et aux musiques populaires. Il répond parfaitement à la définition de Sartre sur le rôle de l'intellectuel, qui est « quelqu'un qui s'occupe de ce qu'il ne le regarde pas ». Il dira, à propos de son analyse, qu'elle « est très documentée et apporte un éclairage inédit, loin de toute langue de bois ». Dans son intervention, Abdelmadjid Merdaci a indiqué : « Le début de l'année 1955 est extrêmement difficile pour la Révolution algérienne. Il y a d'abord Didouche Mourad qui tombe, l'arrestation de Ben Boulaïd, puis Bitat. Selon La Dépêche de Constantine du 22 août, 1201 rebelles ont été tués. Zighoud Youcef a choisi de montrer les capacités de l'ALN en plein jour, en organisant une attaque de 24 centres du colon français. » Et de poursuivre en s'interrogeant : « Le Congrès de la Soummam était-il possible sans les événements du 20 août 1955 ? » Il répond : « Il y avait un état de guerre. Abane Ramdane avait les mêmes attentes et les mêmes projets que Zighoud Youcef. Zighoud propose à Abane d'organiser une réunion de tous les dirigeants. Abdellah Bentoubal était l'adjoint de Zighoud Youcef dans la deuxième région. Il y a eu des débats durs entre les dirigeants notamment sur les propositions défendues par Abane et Ben M'hidi auxquelles Zighoud Youcef s'opposait. ». Pour lui, « le Congrès de la Soummam est une œuvre collective. Il y a eu des discussions et des échanges entre les grands dirigeants tels que Krim Belkacem, Amirouche, Mohammedi Saïd, Zighoud Youcef, Benaouda. » Plus loin et dans ce même sillage, Merdaci affirme : « La proclamation du 1er novembre est adressée au peuple algérien. Le Congrès de la Soummam a changé le socle du Front de libération nationale du 1er novembre. Il ne faut pas confondre le cours de la guerre de Libération avec l'indépendance de 1962. » Il rappellera, en effet, que durant la guerre de Libération, le FLN était une organisation politique dirigée par des militants qui divergeaient sur bon nombre de questions. Au Congrès de la Soummam, il n'y avait pas de régionalisme. Il y avait des Algériens militants. Selon les témoignages recueillis, Zighoud envisageait trois journées d'offensive dans tout le pays, pas seulement dans le Constantinois. Je suis le premier chercheur à avoir parlé avec Messali El-Hadj durant les années 1980. Il s'est rendu à El-Khroub et à El-Harrouch mais n'a jamais mis les pieds à Constantine. Zighoud Youcef est tombé au champ d'honneur après avoir livré une rude résistance à l'armée française. » Abdelmadjid Merdaci regrette l'absence de recherche historique, due, selon lui, à l'inaccessibilité aux archives. « Nous n'avons pas accès aux Archives algériennes. Les témoignages ont mis longtemps à sortir au grand jour. Aujourd'hui, on assiste à une perversion des témoignages. C'est-à-dire, on est passé d'un destin collectif à des récits de vie personnels. Et ce passage est intéressant et dangereux à la fois. Notre problème est que nous n'avons pas de thèse, d'ouvrages sur des événements fondateurs de notre histoire. » Il suggère de débattre publiquement de ce genre de thèmes, d'en parler dans les médias nationaux, et d'arrêter de calquer les stratégies politiques d'aujourd'hui sur les questions d'histoire d'hier.