Mehdi Charef né à Maghnia avec « Le thé au harem d'Archi Ahmed » paru en 1983 fut un des premiers noms apparus au début des années 80. C'était une époque où pour des raisons, à la fois politiques mais aussi sociologiques, les enfants de banlieues étaient plus visibles à travers des manifestations, des associations. Leurs itinéraires âpres, souvent en marge et marqués par les souvenirs liés à la guerre de libération sont bien décrits dans le livre autobiographique d'Azzouz Begag « le gone du Chaaba » sorti en 1986. Ces thèmes ont constitué le principal sujet d'inspiration et ont été l'inépuisable filon de tous ceux que l'on a regroupés un peu complaisamment sous le label « littérature beure ». Il y a un quart de siècle, l'existence d'une revue comme Actualité de l'émigration donnait parfois un écho à un travail de création qui ne se réduisait pas aux écrits. Il se déployait aussi sur les écrans, la musique, la bande dessinée, avec Boudjellal, ou sur les œuvres de peintres ou de sculpteurs. Beaucoup de ces noms sont à la fois des auteurs et des réalisateurs à l'instar de Mehdi Charef qui a depuis réalisé surtout des films. partS d'Algérien « Ma part de gaulois », paru chez Actes Sud le 17 août dernier, a confirmé un auteur de talent. Son livre retenu dans la première sélection du prix Goncourt a suscité un vif intérêt et depuis quelques jours il enchaîne les interviews et devient un visage familier sur les écrans de télévision. Dans son livre, il raconte son enfance et son adolescence dans une cité populaire de la ville de Toulouse. Sa famille originaire de la localité d'Azazga (Tizi Ouzou) s'y était établie bien avant l'indépendance. L'auteur a déjà publié des romans, « Livret de famille », « La trempe ». Sa notoriété est davantage associée à sa qualité de parolier du groupe Zebda qui s'est déjà produit en Algérie. En apparence, les thèmes qui traversent le livre de Magyd Cherfi sont liés aux questions qui taraudent son pays anxieux sur son identité malmenée. Sa part d'Algérien émerge aussi à travers les portraits de ses parents, de ses copains de quartier, des souvenirs liés à la guerre d'indépendance et aux tourments d'une génération déchirée entre ses multiples appartenances. Les paroles de Magyd Cherfi, toutes en nuances sont surtout en porte à faux avec des auteurs qui règlent leurs comptes avec leur société. Dans une récente interview au magazine Le Point, il s'interroge plus qu'il n'affirme. « Il faut savoir ce qu'est être français ? Je n'ai pas la réponse, mais la question est posée. Je voudrais y voir une identité multiple, qui ne doit pas se résumer à deux mille ans d'histoire judéo-chrétienne, à la couleur de la peau. Il faut un autre récit, une identification cosmopolite avec de nouveaux symboles ». L'époque des récits fortement teintés de référence à la dure existence des familles émigrées semble terminée. Les auteurs dont les parents venus du Maghreb produisent des œuvres qui tout en intégrant les saveurs de la culture d'origine interrogent un monde, remodèlent et enrichissent la langue. Les pays d'origine s'ils ne sont plus que vagues réminiscences bénéficient fatalement de leur renommée. Surtout à une époque où les méfaits des uns sont savamment, et non sans arrière-pensées, mis en avant.