Pour évoquer les hommes qui ont fait partie d'une mouvance aux contours quelque peu imprécis, leurs idées et leurs actions, Monseigneur Tessier, ancien archevêque d'Alger, et Ferhati Barkahoum, chercheur en histoire, ont été conviés. Le premier, qui a rappelé son arrivée en Algérie, au début des années 50, comme stagiaire, a brandi d'emblée le livre des Chaulet (Pierre et son épouse Claudine). Paru en février 2012, « Le choix de l'Algérie » reste un des meilleurs témoignages sur la période qui vit s'amorcer des contacts entre des jeunes Européens et des Algériens. Ecrit par deux acteurs directs, il fourmille de détails, notamment sur le rôle des étudiants catholiques, des scouts de France et de prêtres en rupture avec l'Eglise. Même minoritaires, ils vont tenter de briser les murs du mépris dont étaient alors victimes les Algériens. En liaison avec les SMA et les étudiants algériens va naître, notamment, une association très connue (l'AJAAS), versée dans l'action sociale et l'organisation de camps et de rencontres. C'est ce groupe qui sera à l'origine de la publication de la revue « Consciences maghrébines » dirigée par le professeur André Mandouze, qui sera expulsé d'Algérie en mars 1956. Au plan politique, les conférenciers ont évoqué la constitution en 1951 d'un front algérien pour la défense et le respect des libertés. Il a regroupé quelques Européens qui demeurent toutefois isolés et peu entendus. Mme Barkahoum est remontée encore plus loin jusqu'aux tentatives de création, sous Napoléon III, d'un royaume arabe, aux actions entreprises au début du siècle précédent par ce qu'elle qualifiera de « mouvance indigénophile ». Dans une démarche chronologique, elle centrera son propos sur le rôle des assistantes sociales, des avocats, et le journal Espoir Algérie. Elle évoquera notamment la figure de Victor Barrucand qui a créé le journal El Akhbar, celles de Blum et Violette dont les réformes, comme tant d'autres, vont avorter. C'est après la Seconde Guerre mondiale que des liens se sont tissés davantage car, comme l'a rappelé Tessier, « des groupes d'Européens cherchent à dialoguer, à faire entendre une voix qui sera peu entendue ». Elle sera portée néanmoins par des individualités fortes comme Jacques Chevallier, le maire d'Alger, des Chrétiens progressistes comme Duval qui, dès le début 1955, condamnera la torture dont furent victimes des militants algériens. On a évoqué aussi la figure de l'Abbé Scotto, qui officiait dans les églises de Bab El Oued et d'El Harrach. Il vivra dans l'Algérie indépendante et sera membre du conseil municipal de Belcourt à la fin des années 60. L'un et l'autre des conférenciers ont rappelé le rôle de réseaux constitués d'Européens qui ont assuré le gîte à des dirigeants comme Abane ou Benkhedda. Pierre Chaulet, Audin ou Maillot ont franchi le pas pour s'assumer comme anticolonialistes. Les autres parmi lesquels on peut classer l'écrivain Camus, militeront sans succès pour les réformes que la grosse colonisation a refusées. Ils furent jusqu'à l'avènement de l'indépendance des hommes qui ont sauvé l'honneur. Ils ne purent néanmoins éviter la rupture brutale avec l'ordre colonial, condamné par l'inexorable évolution de l'histoire.