Lors de la dernière session du Conseil de sécurité, le soutien du Caire à la résolution russe sur la Syrie a été la goutte qui a fait déborder le vase des divergences croissantes, manifestement exprimées par ailleurs par le désengagement de Riyad dans la livraison des produits pétroliers motivé par des « questions politiques », selon l'économiste égyptien, Ibrahim al-Ghitani. L'alliance stratégique prend l'eau et menace même les fondations de la coalition internationale. « Ce n'est pas la réalité », a asséné le commentateur politique égyptien, Abdallah al-Sinawi, qui met en doute la pertinence de l'entente égypto-saoudienne, notamment sur les dossiers sensibles régionaux. La perception différenciée des enjeux, notamment inhérente à la menace iranienne érigée en priorité des priorités par l'Arabie saoudite, a pesé dans la balance en position de rupture. « L'Arabie saoudite a toléré la position égyptienne encore et encore, mais le vote à l'ONU a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase », a indiqué le journaliste et analyste saoudien, Jamal Khashoggi. La réplique de l'ambassadeur saoudien à l'ONU, Abdallah al-Mouallimi, jugeant « pénible » le fait que « les Sénégalais et les Malaisiens aient des positions plus proches du consensus arabe, que celle du représentant arabe (l'Egypte, ndlr) », annonce le début de la crise amorcée par les divergences criantes sur la question syrienne partagée entre le préalable saoudien du départ du président Bachar El Assad et l'impératif d'une solution politique défendue par Le Caire. Au Yémen, les observateurs relèvent également le poids du syndrome du « Vietnam égyptien », encore vivace dans l'expérience de l'intervention militaire décidée, dans les années soixante, par feu le président Gamal Abdel Nasser, qui limite la promesse d'engagement au sol. Dans la tourmente, la coalition arabe bascule dans le cauchemar de Sanaa, provoqué par le bombardement meurtrier lors d'une cérémonie funéraire. La bavure de trop qui a suscité une vague d'indignation dans le monde, y compris aux Etats-Unis prenant de plus en plus leur distance avec le principal allié régional et acquis au rapprochement avec son rival iranien. Le point d'orgue reste précisément les victimes civiles de la guerre au Yémen, totalement ignorées par les pays occidentaux privilégiant la dénonciation des « crimes de guerre » en Syrie. Cette vision discriminatoire jette un discrédit sur la coalition internationale conduite par les Etats-Unis. En outre, menacée d'enlisement et fragilisée, la coalition arabe peine aussi à assurer le maintien du consensus interne ébranlé par les divergences publiquement étalées au Conseil de sécurité. Le roi saoudien, Salmane, tente de recoller les morceaux en consentant l'évacuation des blessés graves nécessitant des soins à l'étranger, estimés à 300 cas. Si cette décision nécessite un allègement de l'embargo aérien et naval, l'opportunité a été donnée à l'Autorité de l'aviation civile, contrôlée par les rebelles, de revendiquer auprès de l'ONU la levée totale et rapide de l'embargo aérien imposé à l'aéroport de Sanaa. Le drame yéménite connaîtra-t-il sa fin ?