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La journée du portefaix
Les randonnées d'Aliouat
Publié dans Horizons le 17 - 10 - 2016


On était en plein Ramadhan. La journée était bien avancée et il n'y avait aucun client à l'horizon. Kader se tenait assis à la place habituelle chez ce marchand de matériaux de construction et se demandait comment bon Dieu il allait faire pour ramener la pitance en ce jour de Ramadhan. Déjà qu'hier ils s'étaient réunis lui et ses enfants autour d'une chorba fluide et transparente dans laquelle ils trempèrent de gros morceaux de pain juste pour tromper la faim. La pauvreté aide à trouver de nombreux subterfuges pour dribbler le besoin, contourner le manque. Le lait par exemple est un élément-clé de cette ruse quotidienne destinée à nourrir l'illusion qu'on mange : on a appris à ne plus boire le lait mais à le manger à toutes les sauces dont la plus courante est celle qui consiste à arroser le couscous de ce breuvage blanchâtre relevé de poivre, de sel et d'oignons. Heureusement que les oignons ont consenti cette année à ne pas relever le caquet et Kader en a dès l'annonce du Ramadhan acheté plusieurs kilos. La journée était fort avancée et l'appel à la prière de la mi-journée signifiait presque la fin de l'espoir de voir rappliquer un client. Le travail de Kader consistait à proposer ses services de portefaix, et contre deux cents ou trois cents dinars, il opérait alors au chargement des bennes des camions en sacs de ciment, en carrelages et en briques jusqu'à avoir mal aux épaules. Parfois quand un client le lui demandait, il consentait volontiers à monter tout le chargement les trois ou quatre étages du domicile, moyennant un bonus bien entendu. Aujourd'hui, quatrième jour du ramadhan, aucun client, aucun chargement et Kader songeait tristement au repas qu'il ne ferait pas ce soir. C'est normal, se disait-il, les gens ne sont pas assez fous pour acheter du ciment ou des briques quand la nourriture revêt l'aspect d'une vénération. Qui songerait donc à retaper sa maison ou à construire quand l'urgence est aux ripailles crépusculaires ? Les membres engourdis, il se leva pour voir déambuler la foule chargée de victuailles. C'est l'heure du marché et dans le brouhaha et les cris de vendeurs vantant leurs pastèques du haut de leurs camionnettes, il se mit à rêver. Rêver de deux ou trois chargements, acheter une livre de viande, un poulet, du pain au sésame et peut-être même une pastèque ! Un festin ! Il se mit ensuite à revoir son rêve à la baisse et espéra rien qu'un chargement pour acheter juste un peu de viande congelée pour la chorba. Rien ! Aucun client et la journée s'étirait plus vite que ses rêves. Il se rappela soudain qu'il avait soif mais ça, c'était la faute à personne. C'était le jeûne qui lui brûlait la gorge et il acceptait cette abstinence avec la philosophie qui sied aux jeûneurs. D'ailleurs n'est-ce pas la finalité du Ramadhan que de ressentir ce qu'éprouve le pauvre qui n'a rien à manger ? Pour cela, se dit-il, c'était le concernant, un jeûne perpétuel. L'appel à la prière le sortit de nouveau de ses pensées et c'était désormais l'heure où les gens se consacraient aux derniers achats, ces sucreries indispensables que tout le monde ramenait dans des boîtes immaculées. C'est l'heure où les vendeurs de pain amélioré et de cherbet (sorbet) envahissent les trottoirs. Et en cette maudite journée, il allait rentrer bredouille, terrifié à l'idée d'affronter le regard des enfants qui l'attendaient avec l'impatience des affamés. Il fut pris d'un profond spleen et se mit à perdre sa propre estime. Que ne ferait-il pas pour quelques centaines de dinars juste pour réaliser ce rêve modeste et fou de rentrer fièrement un peu de viande et du pain de sésame dans les mains. Il ne tendra jamais la main. Cela, il le sait. Son pain, il l'a toujours gagné à la sueur de son front et il abhorrait ces nuées de mendiants et de mendiantes qui harcelaient les passants. C'était plus une question d'honnêteté que de dignité et il priait sans cesse Dieu de lui accorder la santé pour qu'il puisse accomplir son dur labeur. Le marchand de matériaux de construction baissa alors le rideau de son immense magasin et Kader comprit que c'était fini. Que cette journée était définitivement perdue. Il avança alors dans la foule comme un automate et s'arrêta un long instant à dévisager les étals des vendeurs de ces choses qu'il n'achèterait jamais. Il regarda d'un air absent les énormes quartiers de viande qui le narguaient du haut de leurs esses, les tables garnies de ces conserves importées, des champignons, des friandises, des sachets verdâtres qui contenaient la cherbet, cette liqueur très prisée le Ramadhan, ces corbeilles de pain frais, ces fruits de saison que les marchands bradaient en cette fin de journée...Alors, devant tant de désespoir, il s'accrocha à sa foi comme un naufragé s'accroche à une bouée un soir de tempête. Il fallait se résigner à rentrer les mains vides et il se résigna à prendre le chemin de sa baraque qui ne sentira pas le fumet de la chorba. C'est à ce moment précis qu'il vit un homme de forte corpulence devant la boucherie. Il farfouilla dans ses poches et laissa tomber une grosse liasse de billets retenus par un élastique. Personne n'y fit attention et l'homme partit sans s'apercevoir de quoi que ce soit. Kader courut spontanément vers cette aubaine inouïe et empocha furtivement l'argent. Au toucher, il y en avait au moins pour deux millions de centimes. Il pensa tout de suite à tout ce qu'il pouvait acheter avec tout cet argent, mais il n'eut pas le temps de poursuivre son rêve et il se retrouva en train de fendre la foule pour courir derrière l'homme à la liasse. Il le rattrapa au moment où celui-ci allait monter dans une luxueuse voiture. Voyant alors la rutilance du véhicule, il fut tenté de ne pas rendre l'argent et se surprit à tendre à l'homme l'argent en lui disant tout simplement : « Khouya, vous avez perdu cela. » L'homme le dévisagea un instant et son visage s'éclaira. Il prit la liasse et en détacha trois billets qu'il tendit aussitôt à cet individu trop maigre pour une si grande honnêteté. Kader refusa d'un geste et l'homme les lui fourra dans sa poche. « C'est pour le f'tour », lui dit-il. Et il démarra en lui adressant un salut fraternel. Alors la rue s'illumina pour Kader qui se précipita aussitôt sur les étals des commerçants. Au diable la viande congelée, il acheta un morceau de collier d'agneau, de la coriandre, du pain au sésame, un énorme melon et même un kilo de zlabia. Il fendit la foule et ne sentant ni la soif ni la fatigue, il se dirigea d'un pas ferme vers la maison et quand il y arriva, il étala toutes ces merveilles devant sa femme et ses enfants. Il coupa le melon en quartiers et sa femme réserva une partie de la viande pour le lendemain. Alors il étendit ses jambes lourdes et somnola, bercé par le chuintement de la marmite où mijotaient la viande et l'oignon...

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