Les médias en Algérie sont en transition et ce phénomène se décline à plusieurs niveaux. Le premier est celui de l'expression. Il y a quelques années seulement, il n'y avait pas dans le pays ce foisonnement dans le secteur audiovisuel. Dans ce domaine, le privé a bouleversé en profondeur le champ médiatique national avec une offre et des enjeux qui méritent un débat profond, qui doit concerner les médias publics et leur utilité aussi. A propos de l'offre, il est indéniable que ce qui est proposé comme programmes est en partie en adéquation avec la demande du marché. De ce point de vue, il serait pertinent d'effectuer des enquêtes-sondages sérieuses sur l'audience et le taux de pénétration des chaînes privées nationales et des chaînes satellitaires, celles notamment qui diffusent des pays du Golfe. L'ARAV doit sévir Pour autant, l'offre programmatique des télévisions privées algériennes tend à montrer des signes d'essoufflement pour les grilles qu'elle propose et donc un besoin de diversification par des reportages et des enquêtes de qualité. Elle tend à signaler également un surcroît de vigilance dont les raisons sont, entre autres, exprimées par la naissante agence de régulation, l'ARAV. Il y a des programmes et des traitements que je ne vais pas citer ici, mais qui donnent froid dans le dos en raison de leur lot de bigoterie et d'information orientée. La course à l'audimat et au marché publicitaire de plus en plus capté par ces chaînes de télévision privée ne justifie pas tout, surtout pas l'obscurantisme et l'imbécillité. Le deuxième est celui de la presse électronique qui connaît un engouement certain et suscite des vocations qui vont confirmer la réalité du marché que les acteurs de cette presse tentent de créer dans un contexte, il est vrai, contraignant. Notamment par la difficulté de capter une partie du marché publicitaire, les opérateurs privés, ceux en particulier qui ont la culture de la réclame, comme on disait jadis, et qui ont une vision managériale, qui ne sollicitent pas suffisamment les journaux et les sites électroniques alors qu'ils sont une partie importante de l'avenir de la presse nationale. La presse numérique - le journal londonien The Indépendant vient de le prouver en déclarant des bénéfices pour la première fois depuis dix ans et après avoir supprimé la version papier - coûte moins cher, autorise l'innovation et permet de fonctionner avec des journalistes en free lance nécessaires pour avoir une information de qualité et surtout réactive partout dans le pays. Modestement, l'enjeu, pour cette presse, est de sortir du réflexe échotier qu'elle cultive aujourd'hui de manière compulsive et d'aller vers l'information analysée et recoupée. Presse écrite, l'enjeu est économique Les deux façons de procéder sont nécessairement complémentaires. On attend du gouvernement les textes indispensables pour clarifier le statut juridique de cette presse. On attend de lui aussi les textes et les dispositions devant donner jour à la loi sur la publicité. Pour ce qui concerne la presse écrite, l'enjeu premier à mon avis est certes économique et la capacité des titres à générer la ressource nécessaire à leur fonctionnement et leur développement. Pour de nombreux titres, la difficulté à faire face à la crise qui ne fait que s'annoncer est réelle. Certains ont besoin d'un soutien des pouvoirs publics en raison de leur offre, d'autres titres méritent de vraies discussions sur ce que c'est qu'un journal. Pour un journal comme Reporters, créé en novembre 2012 et dont je dirige la rédaction depuis, il s'agit de maintenir le niveau de son offre et de continuer à se développer en continuant de solliciter comme il le fait, le marché de la publicité publique et, dans une proportion qu'il s'agit d'élargir impérativement, celui de la publicité privée et dont le gros pour ainsi dire se limite, heureusement j'allais dire, aux opérateurs de téléphonie mobile. Après l'économie, l'autre grand enjeu est celui de la formation : rares sont les journaux qui recrutent des journalistes « prêts à l'emploi » en raison de la faiblesse parfois critique de la formation universitaire. Au quotidien Reporters, 90% des journalistes viennent des facultés et on leur consacre la moitié de la journée de fabrication du journal à de la « formation in situ ». C'est glorieux, justifiée par le fait que le journal parvient à capter une très petite mais importante partie du marché publicitaire public, mais intenable à la fin surtout si l'on ne parvient pas à terme à créer un surcroît de ressources en dehors de celles qui servent à payer le personnel, les impôts et l'imprimerie et à dissocier la fabrication du journal de la formation pure.