La France et la Grande-Bretagne ont eu gain de cause. Les trois conditions nécessaires à une intervention militaires que Paris et Londres attendaient, sont réunies désormais, soit un «motif clair pour intervenir», «un soutien régional» et surtout «une base légale» avec l'adoption au Conseil de sécurité, après trois jours de négociations, dix voix pour et aucun contre, leur résolution (1973) coparrainée par les Etats-Unis et le Liban autorisant l'instauration d'une une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye et «toutes les mesures nécessaires» pour protéger les civilsdes troupes de Mouammar Kadhafi. Avec les Etats-Unis, l'Otan et deux pays arabes (le Qatar et les Emirats arabes), la France et la Grande- Bretagne sont, depuis jeudi matin, en ordre de bataille. Les premières frappes aériennes ne devraient pas tarder. «Rapidement», voire «dans quelques heures», selon Paris. Comment, sur quelles cibles, sous quelles formes ? Personne ne l'explique. Seule précision donnée par le texte adopté à New York : aucune force d'occupation ne pourra être déployée en Libye. «C'est un dispositif de nature militaire pour protéger le peuple libyen et lui permettre d'aller jusqu'au bout de son souffle de liberté, et donc de la chute du régime Kadhafi», expliquent Français et Britanniques. Aussitôt le feu vert de l'ONU donné, les principales puissances militaires de l'Otan ont mis en branle leur machine de guerre (air, mer) pour mener à bien leur mission face à une vingtaine de chasseurs Soukhoï 22 et 24 quelques vieux Mig. L'Alliance Atlantique, qui a estimé jeudi que «plus tôt l'ONU parviendra à un accord» sur la Libye, «mieux cela vaudra», afin d'éviter une «inacceptable» victoire de Kadhafi est, selon Anders Fogh Rasmussen, son SG «prête à prendre les initiatives appropriées» pour «arrêter immédiatement les actes de violences systématiques à l'encontre du peuple libyen». La France et le Royaume-Uni formeront probablement l'ossature des opérations militaires. Le Canada, avec six CF-18, et la Norvège, avec des F-16 se joindront à eux. L'Espagne et l'Italie pourraient accueillir des avions sans participer aux frappes. Les Emirats et le Qatar fourniront des aides symboliques au titre de la «présence arabe». Quant à l'engagement militaire américain, il reste une grande inconnue encore. Malgré «le cessez-le-feu immédiat» et «l'arrêt de toutes les opérations militaires» annoncés par le ministre des Affaires étrangères libyen Moussa Koussa. «C'est un coup de bluff», estime l'opposition qualifiant ce cessez-le-feu de «pas important». «Nous n'allons pas nous laisser impressionner par des mots. Il nous faut voir des actes sur le terrain», déclare Hillary Clinton redemandant à Kadhafi d'abandonner le pouvoir. «La menace n'a pas changé», affirme le Quai d'Orsay. «Kadhafi sera jugé pour ses actes et non sur ses paroles», affirme le 10 Downing Street. L'Union européenne s'interroge sur sa «signification» après avoir constaté que Tripoli qui a menacé de s'attaquer au trafic maritime et aérien en Méditerranée, fermé son espace aérien et promis l'«enfer» à ceux qui attaqueraient la Libye, est loin d'une «capitulation». Les alentours d'Ajdabiya, ville clé dans l'est de la Libye, ont vécu hier sous le déluge des bombes et de l'artillerie. Tout comme Misrata, où 25 personnes, dont des enfants, ont péri. Ou Zuwaytinah. Certains à Tripoli estiment que la résolution de l'ONU pourrait si Kadhafi et ses enfants ne plient pas «menacer l'unité et la stabilité du pays» et inciter les «Libyens à s'entretuer». Réactions • Réunion UE, Ligue arabe et UA La France accueille aujourd'hui un sommet tripartite, présidé par le secrétaire général d'ONU, Ban Ki-moon, entre l'Union européenne, la Ligue arabe et l'Union africaine. Cette rencontre doit permettre un «travail d'explication, de partage des points de vue et un travail de cohésion de la communauté internationale». «Il y a tout un travail à faire vis-à-vis des pays qui ne sont pas membres du Conseil de sécurité», a déclaré hier le ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt. • Médiation africaine à Tripoli Le président sud-africain Jacob Zuma envoie aujourd'hui des représentants en Libye dans le cadre d'une mission de l'Union africaine pour tenter de résoudre la crise qui secoue le pays, a indiqué hier le gouvernement sud-africain. M. Zuma a été chargé, dimanche dernier, aux côtéx des présidents de Mauritanie, de la République démocratique du Congo, du Mali et de l'Ouganda de former une mission de médiation de l'UA pour tenter d'apporter une issue à la crise libyenne. Les représentants des cinq pays doivent se réunir dans la matinée à Nouakchott, en Mauritanie, avant de se rendre dans la soirée en Libye, selon l'UA. • Ocampo menace «Toute attaque aveugle contre des civils constituerait un crime de guerre», déclare M. Moreno-Ocampo, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) devant des journalistes à La Haye. «Les commandants seront responsables. En tant que procureur de la CPI, je demanderai des mandats d'arrêt contre eux», a ajouté le procureur. •1500 à 2500 réfugiés /jour Quelque 300 000 personnes ont fui les violences en Libye, précise le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), qui s'attend à ce que 1 500 à 2 500 personnes continuent d'en faire autant chaque jour, a expliqué une porte-parole, Melissa Flemming.Ces personnes - la majorité étant des migrants - traversent pour la plupart les frontières tunisienne et égyptienne où elles attendent d'être rapatriées dans leur pays d'origine.