Fatma-Zohra Benbraham, chercheure en histoire et juriste, qui était, hier, l'invitée du forum de la mémoire d'El Moudjahid, a passé en revue les différentes dates historiques ayant précédé les manifestations du 11 décembre. Il est nécessaire, selon elle, de rechercher les origines dans le passé pour analyser les faits qui ont poussé le peuple algérien à réagir spontanément pour soutenir la révolution de novembre 54. « Le 11 décembre symbolise la rupture avec le système colonial français, c'est la date la plus importante depuis 1954 à 1962 », dit-elle pour résumer cet évènement. « 1960 est aussi une année charnière sur le plan international parce qu'elle représente le début de la décolonisation de tous les peuples opprimés à travers le monde. » Ce jour-là, le peuple algérien a apporté un démenti cinglant à ceux qui ne croyaient pas en ses potentialités révolutionnaires qui ont chamboulé toutes les données politiques qu'avait voulu imposer le général De Gaulle avec sa 3e force. De par sa maturité politique, il a prouvé à la France et au monde entier que son aspiration était l'indépendance et que son seul représentant était le Front de libération nationale. Le peuple s'est révolté spontanément pour réclamer son indépendance et une Algérie musulmane. Le déclic : venger le sang d'un jeune Algérien qui a refusé d'adhérer au mouvement des partisans de l'Algérie française. « Ces manifestations spontanées ont été canalisées par la suite et exploitées au profit du FLN qui a obtenu une nouvelle stature vis-à-vis de De Gaulle », dira Fatma-Zohra Benbraham. Les manifestants brandissant le drapeau algérien, scandaient des slogans en faveur du FLN et de la liberté tels que « vive le GPRA », « Ferhat Abbas au pouvoir », « vive le FLN ». « Avec ces manifestations, le peuple a donné une légitimité populaire au FLN et une grande leçon au colonialisme qui a fini par céder lors des accords d'Evian en reconnaissant l'indépendance de l'Algérie sans conditions », a-t-elle indiqué. La conférencière, qui a reconstitué les faits ayant précédé le 11 décembre, mettra également en exergue les contradictions dans le discours du général De Gaulle. Les maquis, qui ont été vidés à cause de la ligne Challes et Morice ont généré une lutte secrète urbaine. Les combattants sont devenus une force dormante capable d'agir à tout moment, selon la conférencière. La veille, le 10 décembre 1960, des enfants, des femmes et des hommes de tout âge déferlaient sur Alger, le désir d'indépendance était immense chez le peuple algérien. Cette effervescence touchait tout-Alger : Clos Salembier, Belcourt et tous les autres quartiers avoisinants. Saliha Ouatiki, âgée de 12 ans, qui était à la tête du cortège des manifestants, y laissera sa vie. « La femme a été à l'avant-garde des évènements et a investi la rue. Notre radio libre à partir d'Egypte diffusait des messages très virulents et la femme qui vivait avec son transistor a été politisée sans sortir dans la rue ni fréquenter les cercles du FLN. Sa sortie est venue de manière tout à fait naturel dès qu'elle a vu et entendu le premier jeune manifestant prôner l'Algérie musulmane », dit-elle en soulignant que « les femmes ont encouragé les hommes par des youyous ». La Casbah, Bab El Oued ont bougé le lendemain, 11 décembre, il s'en est suivi une répression féroce. Et toute l'Algérie avait manifesté ce jour-là. Les journalistes étrangers venus couvrir la visite avec De Gaulle à Aïn Témouchent ont été d'un grand apport pour la cause algérienne. La répression a connu un grand écho à l'ONU grâce aux informations rapportées par la presse qui était sur place. La voix de l'Algérie a été entendue à Manhattan.