La coalition euro-atlantique est passée à l'action. Washington et Londres ont pris le relais de l'armée française qui a ouvert le bal de l'intervention militaire en menant une attaque contre les blindés de Kadhafi. Une première salve de 124 missiles de croisière Tomahawk a été lancée contre « plus de 20 objectifs » libyens pour anéantir les systèmes de défense antiaérienne et de communication stratégique. Le chef d'état-major interarmées, l'amiral Michael Mullen, pouvait dès lors se prévaloir du « succès » de l'opération qui a permis de stopper l'avancée des troupes de Kadhafi vers Benghazi et rendre effective la zone d'exclusion aérienne. Plus aucun avion libyen n'a pu décoller depuis deux jours, selon le plus haut gradé américain. La prochaine étape visera, selon lui, les centres de ravitaillement pour limiter les capacités de combat des forces de Kadhafi. L'opération Aube de l'Odyssée qui monte en puissance concentre une formidable mobilisation aérienne et maritime des armées les plus puissantes du monde traquant le leader libyen acculé dans son réduit d'El Azizia et décidé de vendre chèrement sa peau. Kadhafi qui a prédit « une longue guerre » a promis de mettre le feu dans toute la région méditerranéenne. Il a armé « tout le peuple » en signe de résistance contre les velléités d'occupation étrangère. « Nous combattons sur un large front, un terrain immense. Vous n'allez pas pouvoir nous vaincre et nous ne nous rendrons pas », a-t-il encore mis en garde. L'entrée en guerre instaure le nouveau champ méditerranéen qui vient s'ajouter au précédent irakien porteur de germes de désordre régional et communautaire. Par delà l'alibi humanitaire, l'intervention de la coalition qui se légitime par l'existence d'une base légale est loin de satisfaire aux exigences d'un consensus international. Les réticences des deux membres du Conseil de sécurité (Russie et Chine), de l'Allemagne et des deux pays influents du Bric (Inde, Brésil) soulignent l'importance de l'opposition au projet franco-britannique timidement rejoint par le puissant allié américain. Bien plus, l'amiral Mullen a clairement spécifié, contrairement aux appels de destitution de Kadhafi, que « les objectifs de cette campagne pour l'instant sont limités et il ne s'agit pas de le chasser du pouvoir. » Dans le monde, le refus de l'aventure guerrière se fait de plus en plus en forte. La Russie a dénoncé « l'usage non sélectif de la force.» La Chine a aussi réitéré ses regrets de l'intervention militaire. Mais, fait étonnant, le renversement de tendance de la ligue arabe éclaire sur le malaise exprimé par le secrétaire général, Amr Moussa, critiquant les bombardements de la coalition. «Ce qui s'est passé en Libye diffère du but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne, et ce que nous voulons c'est la protection des civils et pas le bombardement d'autres civils », a-t-il déclaré, hier, à des journalistes. La sortie pour le moins fulgurante de Amr Moussa, appelant à une réunion d'urgence, conforte la position de principe de l'Union africaine plaidant la nécessité d'une « solution africaine » à la crise libyenne et initiant une médiation avortée dans l'œuf par le lancement des premières opérations militaires. De Nouakchott d'où il a été empêché de se rendre en Libye, le comité de l'UA a appelé à la « la cessation immédiate de toutes les hostilités. » Dans un communiqué, tout en réaffirmant la légitimité des aspirations populaires à la démocratie et la réforme politique, les dirigeants de l'UA ont revendiqué la nécessité d'une « action urgent » pour trouver une « solution africaine » fondée sur le respect de l'intégrité et de la souveraineté de la Libye. A cet effet, la tenue d'une réunion, prévue le 25 mars à Addis Abeba, avec le haut représentant de la Ligue des Etats arabes, l'Organisation de la conférence islamique (OCI), l'Union européenne et les Nations unies, s'inscrit dans la démarche consensuelle visant à « mettre en œuvre un mécanisme de consultation continue et d'action concertée. » Un retour à la raison ?