Farid Benyoucef de profil économiste plonge dans l'écriture avec plaisir. Une seconde vocation ou plutôt une première, au regard de ce qu'il a déjà publié : trois romans et un recueil de poèmes. Le plaisir d'écrire qui se transforme en un plaisir de lire car il gagne naturellement le lecteur qui épouse spontanément et sans modération les entourloupettes sémantiques auxquelles s'adonne Benyoucef. Cette compilation de nouvelles, un tantinet philosophique, porte le titre de la nouvelle éponyme « Le sanglot du chardonneret ». Dans cette dernière, l'auteur transgresse, bannit les frontières pour aller se poser sur une autre terre, sur laquelle un combat libérateur se tient depuis des décennies et auquel l'Algérie et les Algériens adhèrent absolument et qu'ils soutiennent depuis la nuit des temps, celui du peuple palestinien. L'auteur entretient une intrigue aux pourtours de lutte et de sacrifices. Elle se tient au cœur de l'engagement d'un enfant devenu adulte dans un pays en guerre. Il traverse toutes les épreuves d'un militant résolument porté sur la quête de la liberté, non plus chanté par le chardonneret, le symbole de la captivité, mais par son sanglot ! Aurions-nous vu un jour un chardonneret pleurer au lieu de chanter ? Non ! Pourtant, l'oiseau, « el maqnin », connu et aimé des Algériens est assurément un rapprochement allusif du nouvelliste de la lutte algérienne. D'ailleurs, Mohamed El Badji l'a bien chanté alors qu'il était détenu à Serkadji pendant l'occupation française. A cette nouvelle principale, viennent se greffer six autres, de part et d'autre. Le déroulement spatiotemporel se manifeste en Algérie, par une écriture diversifiée à mesure que les événements abordés abondent dans leur différente quête, parfois de l'absurde. Comme le fait le personnage de « Le prix et la valeur ». Par la thématique, « telle une fève coupée en deux », s'inspirant d'une expression populaire connue pour désigner une forte ressemblance entre deux personnes, conte l'enfance et la jeunesse de deux frères jumeaux au temps de la colonisation française dans un des villages nombreux des tréfonds de l'Algérie. A la lecture de cet épisode lié à la Révolution algérienne, il s'en ressent comme un sentiment de vécu personnel, tant les détails rapportés sont intimistes, même s'ils sont empreints d'une vie ordinaire d'Algériens sous l'occupation française. S'ensuit « Martel en tête » qui plonge encore le lecteur dans cette révolution presque à l'aube de l'indépendance, à travers une histoire tirée de la réalité, on n'en disconvient pas, de la vie scolaire d'enfants de la guerre. Presque autobiographique, sinon tout à fait, l'auteur écrit à la première personne du singulier. Ce n'est pas la seule fois où il s'implique directement. Au nom de Je, le romancier, poète, nouvelliste, se découvre, tranche, se positionne, se lâche, se raconte en contant les autres, l'Algérie d'hier et d'aujourd'hui. Une écriture fluide, qui entreprend de beaux détours par l'histoire collective.Les personnages de Benyoucef sont tantôt attachants, tantôt repoussants. Ils sont diversement dans l'échelle des valeurs, les principes, la bonne attitude pour le meilleur de la collectivité, ou encore dans l'avidité, la suprématie, la roublardise, la cupidité, l'impunité... Farid Benyoucef a cette écriture facile, riche en émotions, bonne de vérités, gonflée d'humour, une sémantique à la satire sérieuse, voire complexe, à l'image de la nature humaine, un petit rien de philosophie pour entreprendre l'homme dans toute sa dimension, ses travers et ses qualités.