La thése ne manque pas de pertinence. Elle exprime le désarroi du camp démocrate qui, après avoir dénoncé le rival républicain menaçant de ne pas reconnaître les résultats électoraux en cas de défaite, s'applique à reproduire le même procédé pour discréditer par tous les moyens le scrutin de tous les enjeux. La déroute électorale de la candidate Hillary Clinton, elle-même au cœur du scandale des e-mails, a imposé la bataille cybernétique de la dernière chance pour saborder la détente américano-russe prometteuse. Plus qu'une « ingérence » inimaginable dans le déroulement du processus électoral, la guerre froide du net coïncide également avec la débâcle syrienne d'Obama et la refondation de l'équilibre régionale delaquelle les Etats-Unis sont totalement exclus. L'arme cybernétique est la seule issue qui reste à Obama, laminé par le verdict des urnes et terrassé par la déroute d'Alep porteuse de perspectives de paix dans toute la Syrie. En représailles, des mesures de rétorsion ont été prises, jeudi dernier, déclarant persona non grata 35 agents russes, autorisant la fermeture de deux sites de New York et du Maryland, près de Washington, édictant des sanctions contre les services de renseignements russes, le GRU et le FSB, et 4 de leurs dirigeants. D'autres décisions seront prises au moment jugé opportun, y compris des opérations secrètes dont le public ne sera pas informé. Washington, qui crie au piratage informatique et au « harcèlement » des diplomates américains à Moscou, se dit toutefois disposé, « quand il le faut, à travailler avec la Russie » sur les questions de sécurité les plus cruciales, a indiqué un porte-parole du département d'Etat. Mais le bras de fer est lancé. Moscou, qui a catégoriquement rejeté les accusations américaines, a promis une riposte « adéquate ». Lors d'une intervention télévisée, le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a indiqué qu'une proposition d'expulsion de 31 diplomates de l'ambassade des Etats-Unis à Moscou et de quatre diplomates du consulat général américain à Saint-Pétersbourg, a été présentée au président Vladimir Poutine. « La réciprocité est la règle de la diplomatie dans les relations internationales », a-t-il affirmé. De son côté, le président élu, Donald Trump, qui a réfuté les accusations d'ingérence russe, s'est contenté de souligner qu'il est « temps de passer à d'autres choses plus importantes », a-t-il indiqué dans un bref communiqué. Une rencontre avec les chefs du renseignements américains, prévue « la semaine prochaine », est annoncée pour faire le point sur cette affaire. A 20 jours de la passation du pouvoir, Obama réussira-t-il à renverser la tendance ? S'il est soutenu par les faucons républicains, le président sortant entend promouvoir l'union sacrée avec les « amis et les alliés » des Etats-Unis pour faire face à la menace cybernétique russe redoutée également par la France et l'Allemagne, engagées dans des élections présidentielles en 2017. Le patron des renseignements extérieurs allemands, Bruno Kahl, avait évoqué des « cyberattaques qui se produisent dans le seul but de créer de l'incertitude politique », en soulignant que l'Europe était « au centre de ces tentatives de déstabilisation ». Mais selon des spécialistes, la guerre froide cybernétique a participé à la vassalisation de l'Europe particulièrement visée par le programme d'espionnage américain, révélé par Edward Snowden, ciblant les données personnelles de millions de citoyens, ainsi que des institutions et chefs d'Etat étrangers. L'Europe, une simple banlieue américaine dans le cyberespace ?