Extrême droite triomphante et succès de la gauche: la stratégie «à droite toute» du président français Nicolas Sarkozy, à 13 mois de la prochaine présidentielle, était durement attaquée hier au lendemain d'élections locales qui sonnent comme un dernier avertissement. Hier matin, c'est bien le discours sur la laïcité, l'immigration et la place de l'Islam dans la société, développé par le président et son entourage depuis l'été dernier, qui était dans le collimateur de nombreux responsables de la majorité de droite. Ils le jugeaient en décalage avec les attentes des Français, préoccupés par la situation économique et sociale et, surtout, estimaient qu'il légitime et renforce le Front national (FN), le parti d'extrême droite de Marine Le Pen. «On doit être plus qu'attentifs sur cette banalisation d'un vote d'extrême droite», a réagi hier le ministre du Budget et porte-parole du gouvernement François Baroin, appelant à «mettre un terme à tous ces débats» sur l'Islam et la laïcité, pourtant initiés par le parti majoritaire UMP. L'UMP cherche à lancer, depuis quelques semaines, un débat national sur la laïcité et l'Islam, un an après une grande concertation sur l'identité nationale qui avait tourné court l'an dernier et donné lieu à des dérapages racistes, dans un pays qui compte 5 à 6 millions de musulmans. Dirigé depuis mi-janvier par Marine Le Pen, fille de son chef historique Jean-Marie Le Pen, le FN a confirmé sa percée, dimanche au second tour d'élections cantonales, servant à élire les assemblées des départements. L'extrême droite, très pénalisée par le mode de scrutin majoritaire, n'a eu que deux élus (sur environ 2000 cantons), dans le sud de la France, mais tous les candidats présents au second tour ont nettement progressé. «La recomposition de la vie politique en France est en cours», s'est réjouie Marine Le Pen. Au premier tour, elle avait réalisé 15% et montré que son implantation était désormais clairement nationale. Dimanche, en n'étant présente que dans un tiers des cantons, elle a réalisé 11,6% des voix. Le Parti socialiste (PS), premier parti d'opposition, a obtenu un score de 35,74%, loin devant l'UMP (20,32%). Les doutes à droite sur la stratégie de Nicolas Sarkozy se nourrissent aussi d'un sondage publié dimanche soir et qui se révèle dévastateur pour le président français. Il serait éliminé au premier tour de la présidentielle, avec 17%, contre 21% pour Marine Le Pen et jusqu'à 34% pour le candidat socialiste, s'il s'agit de Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Les socialistes se gardaient hier de tout triomphalisme. Leur projet politique reste flou et leur candidat ne sera en principe désigné qu'en octobre par des primaires, les prétendants devant se faire connaître avant juin. Dominique Strauss-Kahn, grand favori des sondages, n'a pas dévoilé ses intentions, mais multiplie les signaux allant dans le sens d'une candidature. La patronne des socialistes, Martine Aubry, a aussi laissé entendre qu'elle se préparait à concourir. «Ce soir, tout commence pour redresser et rassembler la France», a-t-elle déclaré dimanche. Son prédécesseur, François Hollande, devrait s'adresser très rapidement aux Français pour leur indiquer qu'il souhaite briguer leurs suffrages. «Je ferai connaître bientôt ma décision, je n'entends pas me précipiter, pas davantage tergiverser», a-t-il déclaré, après avoir enregistré ces derniers mois une progression régulière dans les enquêtes d'opinion. C'est entre lui, Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn que devrait se jouer la candidature socialiste.