Photo : Mahdi I. Les marchands à la sauvette ont repris une fois de plus leurs activités au niveau des rues et ruelles de la Capitale. Mais cette fois-ci leur retour semble définitif. Ainsi la plupart des marchés informels récemment interdits ont été réinvestis par des centaines de jeunes encouragés par les dernières mesures d'apaisement prises par le gouvernement. En ce jour ensoleillé, presque tous les trottoirs de la Basse Casbah sont devenus des étals à ciel ouvert. Plus bas, la place des Martyrs longtemps épargnée par le commerce anarchique se retrouve désormais investie par une succession de vendeurs d'objets hétéroclites allant de la chaussure usagée, aux robinets en passant par les vieux postes radio. Et si on lève les yeux on aperçoit une marée humaine presque statique obstruant la rue de Bab El Oued qui donne sur le siége de la DGSN. Il n'y a pas lieu de presser le pas. Des deux côtés de la chaussée une file de vendeurs a pris possession des trottoirs. Cette perspective empruntée par les véhicules et les bus de l'ETUSA allant de Bab El Oued vers la Place des Martyrs est pratiquement coupée à la circulation routière. Pour y passer il faut faire preuve de patience. Et de la patience, ce policier en a sûrement, il n'arrête pas de prier les jeunes qui ont poussé leur audace jusqu'à occuper les bords des arrêts de bus, de reculer. Face à lui , ce sont des oreilles sourdes et des bras d'où pendent nappes de tables, foulards et serviettes de bain. Ce spectacle commercial s'étale d'ailleurs tout le long de la rue menant vers la mosquée Ketchaoua. Ici aussi les vendeurs, dont beaucoup sont de jeunes adolescents, occupent le moindre espace. Ils proposent des serviettes en papier, stores, couettes et même tondeuses à cheveux à… 100 DA la pièce. Et pour clore le tout, une table de baby-foot à 10 dinars la partie. Ce genre de marché se répéte un peu partout dans la ville d'Alger. Ainsi la ruelle longeant le marché d'El-Biar a retrouvé ses vendeurs de fruits, de friandises et autres articles ménagers. Les chaînes ceinturant le siége de l'APC pour décourager toute tentative d'installer un étal font désormais office de décor. La placette jouxtant la mosquée est devenu un étalage de DVD piratés, de plantes, de téléphones portables, d'huile d'olive et autres vêtements. UNE «EMBELLIE» TEMPORAIRE ? Smain ne cache pas sa satisfaction. Il est agent de sécurité dans une polyclinique. Avec un salaire qui ne dépasse pas les 15 000 DA, il revend des taies d'oreillers à 200 dinars les quatre. A la place des Martyrs, à côté d'un kiosque quatre saisons, il s'égosille pour attirer la clientèle. Et bien que sa marchandise ne soit pas de bonne qualité, il est arrivé à écouler les trois quarts de son lot. Il est satisfait de cette journée. Les forces de l'ordre tout autour ne le dérangent nullement. Son voisin renchérit en précisant qu'à cause des nombreuses grèves et marches, «ils nous ont oubliés». Samir qui revend des rouleaux d'essuie tout, des serviettes en papier et du papier hygiénique est menuisier de formation. Au chômage, il a décidé d'écumer avec un ami les marchés de gros de Sétif d'où il s'approvisionne désormais. Il est satisfait de cette situation puisqu'elle lui permet de gagner dignement sa vie. Mais, il est conscient que cette «embellie» ne peut durer éternellement. En attendant, un local ou une «affaire» qui lui permettra de gagner normalement sa vie, il fait la tournée des places des Martyrs, des Trois Horloges et parfois le marché de Bachdjerrah. D'autres revendeurs sont du même avis. «Juste le temps que le «tsunami» des marches s'essouffle» et les forces de l'ordre s'occuperont de nous comme à l'accoutumée. Des jeunes, des moins jeunes, des pères de famille avec enfant souhaitent une solution définitive à ce récurrent problème «du chat et de la souris». Qu'en pensent les commerçants qui exercent sous les arcades de la rue Bab Azzoun, eux qui voient désormais leurs devantures obstruées par des étals à l'infini. Le premier qui est spécialisé dans la vente de vaisselle de marque est confiant. «Je ne suis nullement dérangé par ces jeunes car ils ne vendent pas la même qualité que moi, en plus comme mon enseigne l'indique, je pratique le juste prix», résume-t-il. Ce qui est loin d'êtrel'avis de son voisin Mourad marchand de sacs, de cabas et de couffins en jute. Il est carrément dépité. «C'est déloyal», lâche-t-il. «Les clients en majorité des femmes sont floués par ces vendeurs qui leur fourgue du Taiwan», dit-il. Abdessemed qui gère une boutique «Maison du cadeau» est hors de lui, mais pour une toute autre raison. Ses «voisins» s'avèrent agressifs, mal éduqués et laissent les emballages et diverses saletés sur les trottoirs à la fin de la journée.