Le piège libyen s'est il refermé sur la coalition occidentale ? A cours de munition, pour ce qui concerne surtout les bombes à guidage laser, l'Otan est en proie à de sérieuses divergences et de tensions internes sur le rôle que nombre de ses membres veulent circonscrire à une offre de prestation de pilotage au profit de la coalition. Face au risque d'enlisement, née de l'impasse politico-militaire et de l'incapacité franco-britannique de faire plier le régime de Kadhafi, le scénario du retour américain sur le terrain des opérations n'est pas à écarter. Il est dicté par la nécessité de prêter main forte au couple franco-britannique affaibli par le lâchage en règle de leurs partenaires européens peu convaincus de la légitimité et la fiabilité de l'intervention militaire en Libye. Dans une tribune signée par Obama, Cameroun et Sarkozy ont ainsi réaffirmé, dans les colonnes du «Figaro» (France), «The Times» (Royaume-Uni), «The International Herald Tribune», «The Washington Post» (Etats-Unis) et «Al-Hayat», leur volonté de poursuivre les bombardements. Elément nouveau : si dans la résolution onusienne 1973 l'intervention se légitime par le souci de «protéger les civils», le préalable du départ de Kadhafi est cette fois-ci clairement évoqué. Cette violation de la légalité internationale fait désordre. Pour le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, il n'est «nul besoin d'une nouvelle résolution» de l'Onu pour en finir avec le maître de Tripoli. Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a admis, quant à lui, le dépassement du cadre légal. Cette appréciation est partagée par le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov, qui a estimé que l'Otan outrepassait le mandat de l'ONU. «Il est important de passer de manière urgente à la phase politique et d'avancer vers un règlement politique et diplomatique», a-t-il déclaré. En mal de consensus, la coalition peine à retrouver ses marques dans le bourbier libyen aux conséquences désastreuses : au mieux, une «somalisation» de la Libye menacée par le démon de la guerre civile, et, au pire, une irakisation, source de déstabilisation régionale. L'irrédentisme franco-britannique, animé par l'esprit revanchard de tous bords, peut s'avérer fatal : une crise humanitaire qui frappe aux portes de Misrata assiégée par Kadhafi et, aussi, des autres villes libyennes en manque de moyens de subsistance par le fait de l'intervention occidentale.