Le Nord et le Sud soudanais s'affrontent à deux mois de la proclamation officielle de l'indépendance du Sud. Les Forces armées du Soudan (SAF, nord) ont pris le contrôle de la ville d'Abyei. «Les SAF ont pris samedi le contrôle de la localité d'Abyei à l'issue de violents combats contre l'armée du Sud-Soudan (SPLA, Armée de libération populaire du Soudan). Appuyés par des chars, les soldats nordistes se sont déployés jusqu'à la rivière au sud de la ville, tandis que les éléments de la SPLA se sont retirés plus au sud», déclare Khartoum précisant que son armée «contrôle» la plus grande partie de l'enclave d'Abyei. «Nous contrôlons Abyei et toute la zone au nord de la rivière Bhar al-Arab», déclare le ministre d'Etat à la présidence, Amin Hassan Omer expliquant cette offensive par le désir de la SPLA de renforcer sa présence sur place. «Nous ne permettrons à personne d'essayer de décider unilatéralement du sort d'Abyei (...)», dit-il avant d'annoncer que le gouvernement est prêt à négocier «pour régler le problème». Précision de Khartoum qui a ordonné la dissolution de l'administration mixte locale, mise en place dans le cadre des accords de 2005 et 2008 : «Les troupes resteront à Abyei jusqu'à la conclusion d'un nouvel accord de sécurité». «Il y a toujours des combats, de nombreux combats. Nos policiers ont combattu, mais les SAF ont envoyé beaucoup de soldats», déclare le porte-parole de la SPLA, Philip Aguer. La Mission de l'Onu au Soudan (UNMIS) confirme cette reprise des hostilités qui ravive le spectre de la guerre civile. «Les éléments de la SPLA ont fait retraite vers le sud, et ne sont plus dans la ville, où patrouillent une dizaine de chars T-55 des SAF», déclare la Mission. Parallèlement, les ambassadeurs auprès du Conseil de sécurité de l'Onu ont poursuivi leur visite officielle à Khartoum. Après une escale dans un camp de déplacés de Mayo, dans la capitale, ils ont rencontré en fin de matinée une délégation gouvernementale dirigée par M. Amin Hassan Omer. Le ministre des Affaires étrangères Ali Ahmed Karti, qui devait mener les discussions pour la partie soudanaise, n'était pas présent. Une rencontre prévue peu après avec le vice-président du pays, Ali Osman Taha, a également été annulée. Les représentants de l'Onu ont rencontré en fin d'après- midi des chefs de la tribu arabe nomade Misseriya. L'attaque des forces d'Omar el-Bachir contre Abyei a, par ailleurs, suscité le courroux de Washington, Londres et Paris qui ont condamné cet acte qui a provoqué la fuite de milliers de civils. Selon Médecins sans frontières (MSF), «la population entière de la ville d'Abyei a fui». Les Etas-Unis exigent un retrait des forces nordistes de la ville. La Grande-Bretagne et la France y voient «une violation» de l'accord de paix qui a mis fin à la guerre Nord-Sud en 2005. A Juba, capitale de la région autonome du Sud-Soudan, le ministre de l'Information, Barnaba Marial Benjamin, parle d' «une invasion illégale qui viole tous les accords de paix et met en danger la vie de milliers de civils». L'ONU appelle à une «cessation immédiate des hostilités». A la limite du Nord et du Sud Soudan, Abyei suscite la convoitise des nordistes et des sudistes. L'accord de paix ayant mis fin en 2005 à plus de deux décennies de guerre civile entre le Nord et le Sud prévoyait initialement la tenue «simultanément» de deux référendums en janvier 2011, l'un sur l'avenir du Sud-Soudan, l'autre sur le rattachement d'Abyei au Nord ou au Sud. Mais ce dernier a été reporté sine die, les ex-rebelles du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, sud) et la tribu Dinka Ngok d'un côté, les Arabes nomades Misseriya et le Parti du congrès national (NCP, nord) de l'autre, n'ayant pas réussi à s'entendre sur le droit de vote des électeurs. Des divergences demeurent sur la délimitation de la région d'Abyei.