L'émissaire russe n'ira pas à Tripoli rencontrer le dirigeant libyen. Aucune explication n'a été donnée à ce «boycott» qui sonne comme un lâchage en règle du colonel Kadhafi. Pour mettre fin à la guerre en Libye, les grandes puissances se livrent à une concurrence, pour le moins, inédite, et qui en dit long sur les desseins qu'elles y ont projetés. La période post-Kadhafi n'a pas encore - du moins officiellement - commencé, que Russes et Chinois, avec peu de diplomatie, mettent les pieds dans le plat de l'initiative de paix de l'Union Africaine pour se poser comme seules alternatives aux va-t-en guerre américains et européens et… revendiquer leur part du gâteau - pétrolier - aux lendemains qui pompent. M. Mikhaïl Marguelov, l'envoyé spécial du Kremlin, dont la médiation a été annoncée par le président russe Dimitri Medvedev lors de la récente réunion du G8 à Deauville, est arrivé, hier, à Benghazi, «capitale» des insurgés, plaidant pour un cessez-le-feu entre les deux camps. Il a affirmé la volonté de Moscou de jouer un rôle d'intermédiaire pour faciliter le dialogue entre le régime du colonel Kadhafi et les rebelles. «Nous sommes venus à Benghazi pour faciliter le dialogue entre les deux camps. La Russie est dans une position unique car elle a toujours une ambassade à Tripoli et elle vient rencontrer la rébellion aujourd'hui», dit-il sans annoncer la poursuite de son voyage à Tripoli pour rencontrer la partie adverse, contrairement à ce qui était…annoncé. Comme pour nuancer cet intrigant revirement, il se dit disposé à se rendre dans la capitale libyenne, sans préciser de date. Est-ce l'alignement de la position russe sur celle des pays engagés dans les opérations militaires, qui aurait fait du diplomate russe une persona non grata pour Tripoli ? Ou est-ce une manière, pour la Russie, de signifier, à son tour, la chute inéluctable du régime en place ? Le Monsieur Afrique du Kremlin ne pipe mot. Avant de se rendre aujourd'hui au Caire, il devait rencontrer Mustapha Abdeljalil, le président du Conseil national de transition (CNT) - direction politique de la rébellion -, le numéro deux de la rébellion, Mahmoud Jibril, et le ministre de la Défense, Omar El-Hariri. De leur côté, les Chinois s'impliquent à leur tour - et directement - dans le conflit. Le ministre des Affaires Etrangères libyen, Abdelatif al-Obeïdi, était hier en Chine pour tenter de trouver une solution politique à la crise, alors que des diplomates chinois sont arrivés à Benghazi pour y rencontrer la direction politique de la rébellion. Le chef de la diplomatie libyenne restera jusqu'à demain à Pékin où il aura des entretiens avec son homologue Yang Jiechi, selon Hong Lei, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Pékin a, par ailleurs, annoncé de nouvelles rencontres entre des diplomates chinois et des responsables du CNT afin de «maintenir le contact avec le Conseil national de transition, mieux comprendre la situation humanitaire et évaluer la situation des sociétés ayant investi en Libye», précise un communiqué officiel. Le gouvernement chinois avait annoncé vendredi dernier un premier contact, remontant à quelques jours, entre un diplomate chinois, l'ambassadeur de Chine au Qatar, Zhang Zhiliang, et Mustapha Abdeljalil, le président du CNT. Interrogé sur une possible médiation de la Chine, M. Hong a répondu que «la Chine œuvre aux côtés de la communauté internationale pour résoudre politiquement la crise libyenne» avant de réitérer les précédents appels de la Chine à un cessez-le-feu en Libye.