Le régime de Tripoli exige des explications de la Fédération de Russie quant à ses récents vœux de voir Mouammar Kadhafi partir du pouvoir. Les compagnons de la dernière heure du guide n'arrivent pas à suivre le virage à 180° que le vieil allié soviétique a pris sur la route de Deauville. La Jamahiriya libyenne ne serait-elle plus ce client de marque, friande de l'armement russe ? Ou assez pragmatique le président Medvedev pour choisir le moment opportun pour tourner le dos à Kadhafi et pour dépêcher un émissaire à Benghazi ? Malgré ses maints appels à un cessez-le-feu, qui n'était plus possible dès l'entrée des avions de la coalition dans le ciel de Libye, le kremlin semble avoir misé sur les derniers vents tournants, en défaveur du clan de Kadhafi, pour avancer ses pions. Hasard du calendrier ou opportunisme diplomatique, la nouvelle position de la Fédération de Russie coïncide étrangement avec les fraîches déclarations du secrétaire général de l'Otan, Andres Fogh Rasmussen. Selon ses estimations, le guide de la Jamahiriya vivrait ses toutes dernières heures en tant qu'homme d'Etat. Les coalisés seraient en train d'atteindre leurs derniers objectifs, le roi génocidaire finirait bientôt par mettre son second genou à terre. Grâce à l'opération militaire Odyssey Dawn. Ce qui veut dire que la solution au conflit libyen n'a jamais été diplomatique ? Trop tard pour en rediscuter, l'opposition célèbre déjà ses cent jours. Quant à la venue du président sud-africain à Tripoli, elle n'est plus destinée à maintenir Kadhafi au pouvoir ou de lui permettre de conduire la transition, mais il s'agit bien de tracer un plan de sortie. Autre fait qui ne ressemble pas à une simple coïncidence : après s'être affichés aux côtés de l'Ivoirien Laurent Gbagbo, les avocats français Roland Dumas et Jacques Vergès se trouvent actuellement sur le sol libyen. L'ancien chef de la diplomatie de François Mitterrand y prépare officiellement un dossier judiciaire au nom des victimes civiles des frappes de l'Otan, dont le nombre atteindrait les 20 000. Assez de victimes pour intenter un procès contre le président Nicolas Sarkozy pour crimes contre l'humanité ? Tony Blair ne voit toujours pas le sien venir, l'Irak post-Saddam serait déjà de l'histoire ancienne. Bref, Dumas s'est déclaré tout à fait disposé à défendre le colonel Kadhafi s'il venait un jour à comparaître devant les juges de la cour pénale internationale de La Haye. Réunis, tous ces indices laissent-ils croire que le guide va quitter la Libye alors que tout récemment il s'est dit disposé à lâcher le pouvoir s'il venait à être autorisé à rester sur le sol de la Jamahiriya ? Le patron de l'Otan n'a jamais été aussi formel quant à la fin du règne de la terreur de Kadhafi du fait qu'il est de plus en plus isolé aussi bien chez lui qu'à l'étranger. Illusion à la Fédération de Russie qui n'aurait pas du tout envie de fournir des explications au sujet de son lâchage du régime de Tripoli. D'autant qu'il n'y a plus grand-chose à comprendre, le «Dégage» scandé en Tunisie, en Egypte et actuellement en Syrie et au Yémen, est le même réservé à Kadhafi et à ses proches. Du moins pour ceux qui ont préféré rester de leur propre gré et pour ceux qui ont été retenus de force. Les coalisés auraient donc eu raison de faire preuve de patience et de tabler sur l'implosion du régime libyen, sous pression continue des bombardements de l'Otan. A quand la chute finale de Kadhafi qui avait programmé une guerre civile qui, finalement, n'a pas encore eu lieu ? Probablement, avant celle du président Ali Saleh qui, lui, serait en train de réussir la sienne, notamment grâce à la passivité des Etats-Unis qui semblent n'avoir de crainte que par rapport à Al Qaïda Yémen.