Photo : Lylia. M. Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, a interpellé, dans son rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en Algérie, le chef de l'Etat sur la détention préventive et l'usage «abusif et systématique» qui en est fait. Dans un entretien à l'APS, Me Ksentini relève que la détention préventive est une «grande faiblesse de notre système judiciaire» car il en est fait «un usage abusif et systématique», selon lui. Le ministère avance un taux de 11% des personnes en détention préventive par rapport à la totalité des détenus, mais pour Me Ksentini, ce taux est «beaucoup plus important» et représente «au moins le tiers» des prisonniers. L'avocat relève que la loi considère en état de détention préventive toute personne qui n'est pas définitivement condamnée, alors que le ministère de la Justice considère en état de détention préventive uniquement les personnes placées en détention préventive par le juge d'instruction. Me Ksentini constate que la détention préventive «fait des dégâts dans les foyers et des familles entières se sont écroulées à cause d'elle». Par ailleurs, le président de la CNCPPDH a souligné avoir interpellé le président de la République dans un rapport qu'il lui a remis il y a deux semaines, sur d'autres sujets, notamment, la réconciliation nationale, la levée de l'état d'urgence, la liberté de la presse, la liberté d'opinion et de culte. UNE JEUNESSE «MARGINALISEE» ET «DESESPEREE» Le rapport fait état aussi du «malaise social» dans le pays, de la souffrance de la jeunesse «marginalisée» et «désespérée» de trouver un logement ou du travail, et aborde le phénomène des «harraga». Me Ksentini ajoute avoir insisté sur la nécessité d'approfondir la démocratie, car pour lui, «il ne suffit pas de proclamer la démocratie dans les textes mais il faut que la population la ressente dans la pratique quotidienne». A ce sujet, l'avocat juge «insuffisants» les efforts consentis pour une démocratie qui demande à être «améliorée et approfondie». Me Ksentini a, par ailleurs, regretté qu'une partie de l'opposition ait «refusé» de prendre part aux consultations sur les réformes politiques qui s'étaient déroulées au mois de juin dernier. Au volet de la réconciliation nationale, l'avocat pense qu'il y a des «dispositions complémentaires» à prendre, parce que pour lui, il y a «des oubliés» de cette réconciliation, tels que «les internés du Sud qui n'ont pas été indemnisés et qui devraient être réhabilités moralement», a-t-il dit. Il propose aussi d'accorder un statut aux familles des disparus et aux familles des victimes du terrorisme. Au sujet de la presse, Me Ksentini se déclare pour sa «liberté totale». Il estime «grotesque», «moyenâgeux» et «inadmissible» de mettre un journaliste en prison pour ses écrits. Interrogé sur le cas Mohamed Gharbi, l'ancien moudjahid qui vient d'être mis en liberté conditionnelle dernièrement après avoir purgé dix ans de prison pour avoir tué un terroriste repenti, Me Ksentini s'est félicité que cette libération soit intervenue de manière légale, et dans le respect des lois.