Photo : Lylia. M. Les lamentations ont déjà commencé. On est désormais familier de ce rite. Il fait partie intégrante du ramadhan dont il constitue un avant-goût amer. Qui n'a pas entendu ces regrets, cette impuissance de voir, encore une fois, tous les prix s'envoler ? La morale est appelée à la rescousse pour dénoncer des commerçants sans foi ni loi. Des bûchers sont dressés pour des coupables accusés de détrousser de pauvres gens. La main sur le cœur, contrits, on rappelle les valeurs qu'ils piétinent. Au marché, s'étalerait dans toute sa nudité cette hypocrisie qui fait cohabiter la piété et la cupidité et d'autres péchés véniels. Il est pourtant une loi connue de tous ceux qui s'intéressent un tant soit peu à l'économie. Toute augmentation de la demande s'accompagne infailliblement d'une hausse des prix. Qu'il s'agisse de pétrole, de semoule ou de viande, la rareté crée la cherté. Qui peut nier qu'en pareille période, la ruée des Algériens sur les marchés devient l'occupation principale de beaucoup d'entre eux ? Ceux-là ressuscitent un réflexe pavlovien des années de pénurie. Il fallait alors être dans la chaîne pour connaître la nature des arrivages. Les marchés, les supérettes deviennent des détours obligés. L'effet est naturel. Il est dans l'ordre des choses de payer plus cher la carotte ou la courgette quand chacun cherche à en acquérir le plus, se découvre un appétit insatiable pour des aliments rarement consommés. De ce point de vue, le ramadhan est aussi le mois où l'on dépense et gaspille le plus. Il est trop facile d'accabler les commerçants en oubliant cette frénésie d'achat de tous les produits. En ce mois censé être au contraire celui de la mesure et de la sobriété. Certes, les responsables ne cessent de rappeler à juste titre l'augmentation de la production des produits de saison et ceux importés pour réguler le marché. «La bataille» ne pourrait pourtant être remportée sans l'adhésion des citoyens. Par des attitudes et des comportements de consommateur rationnel, l'Algérien peut ébrécher ce cercle vicieux. En ne rompant pas avec les ripailles, en réduisant le ramadhan à une variété de plats et une débauche de consommation, il ne réglera pas le problème. Le contrôle étatique, la disponibilité des produits sont des conditions nécessaires. Elles resteraient insuffisantes si le consommateur ne met pas un frein à sa voracité et ne maîtrise pas ses instincts. Il y gagnerait pourtant son argent, sa santé et l'agrément du Tout-Puissant.