Il y avait un roi et une reine qui avaient trois filles ; ils aimaient beaucoup les deux aînées, qui s'appelaient Orangine et Roussette, et qui étaient jumelles ; elles étaient belles et spirituelles ; mais pas bonnes : elles ressemblaient en cela au roi et à la reine. La plus jeune des princesses, qui avait trois ans de moins que ses sœurs, s'appelait Rosette ; elle était aussi jolie qu'aimable, aussi bonne que belle ; elle avait pour marraine la fée Puissante, ce qui donnait de la jalousie à Orangine et à Roussette, lesquelles n'avaient pas eu de fées pour marraines. Quelques jours après la naissance de Rosette, le roi et la reine l'envoyèrent en nourrice à la campagne, chez une bonne fermière ; elle y vécut très heureuse pendant quinze années, sans que le roi et la reine vinssent la voir une seule fois. Ils envoyaient tous les ans à la fermière une petite somme d'argent, pour payer la dépense de Rosette, faisaient demander de ses nouvelles, mais ne la faisaient jamais venir chez eux et ne s'occupaient pas du tout de son éducation. Rosette eût été mal élevée et ignorante, si sa bonne marraine la fée Puissante ne lui avait envoyé des maîtres et ne lui avait fourni tout ce qui lui était nécessaire. C'est ainsi que Rosette apprit à lire, à écrire, à compter, à travailler ; c'est ainsi qu'elle devint très habile musicienne, qu'elle sut dessiner et parler plusieurs langues étrangères. Rosette était la plus jolie, la plus belle, la plus aimable et la plus excellente princesse du monde entier. Jamais Rosette n'avait désobéi à sa nourrice et à sa marraine. Aussi jamais elle n'était grondée ; elle ne regrettait pas son père et sa mère, qu'elle ne connaissait pas, et elle ne désirait pas vivre ailleurs que dans la ferme où elle avait été élevée.