Après avoir organisé, jeudi dernier, un rassemblement devant le siège de l'Association de protection contre le sida (APCS) pour protester contre le manque d'antiviraux utilisés dans le traitement de la trithérapie (trois médicaments), des malades atteints du VIH sida ont remis ça, hier, en observant un sit-in devant la direction générale du centre hospitalo-universitaire (CHU) d'Oran. A ce regroupement étaient présents une dizaine de femmes et deux hommes venus crier leur détresse face à cette situation qui dure depuis environ un mois. La douzaine de malades, parmi eux des représentantes de l'association APCS, s'était rassemblée devant le siège de la direction générale du CHUO, portant banderoles («nous sommes en danger de mort», «médicament=une vie»c…). Et le visage à moitié masqué pour ne pas donner libre cours aux jugements déplacés de la société. Une demi-heure ne s'était pas écoulée que le DG de l'hôpital invite les manifestants dans son bureau. Nous nous faufilons parmi le groupe. La représentante des malades au niveau de l'association APCS prit la parole : «Nous sommes venus vous dire que nos malades vivent une situation déplorable. Il y a d'abord le manque de médicaments, (particulièrement Amprénativor et Rétonavir, qui amputent le traitement de trithérapie), qui est en train de durer et qui fait planer la menace de mort sur beaucoup d'entre eux. Il y a ensuite les mauvais traitements qui leur sont réservés au niveau du service infectieux. Il y a…». Une autre malade, Mme… (tous les malades refusent de divulguer leurs noms par peur du qu'en dira-t-on) l'interrompt pour affirmer que cette pénurie des antiviraux se pose uniquement à Oran : « J'ai des amis à Alger, ils m'ont assurée que le problème ne se pose pas pour eux. Du reste, je ne comprends pas pourquoi on nous change régulièrement de traitement alors qu'ailleurs, c'est toujours le même schéma de traitement qui est maintenu ». Et un autre malade, venu de Hassi Messaoud, d'intervenir : « j'ai parcouru 1500 km pour venir chercher mes médicaments mais, arrivé ici, on me dit au service infectieux qu'ils ne peuvent rien pour moi. Du reste, même quand les antiviraux étaient disponibles, on ne m'en donnait pas pour une période suffisante. Pourquoi me font-ils ainsi courir?». Une autre malade de Mostaganem : «j'ai passé 50 jours dans le service infectieux. On ne me traitait pas convenablement. On me faisait même faire le nettoyage de la chambre. On nous privait de notre quota de médicaments et même de notre ration de nourriture». En gros, toutes les interventions revenaient sur la pénurie de deux médicaments, sur l'accueil et le mauvais traitement des patients au service infectieux, sur les difficultés qu'éprouvaient les malades hospitalisés pour passer un scanner, faire une analyse de sang, sur la charge virale qu'il faut effectuer à Alger… «NORMALEMENT, IL NE DOIT JAMAIS Y AVOIR RUPTURE DE STOCKS» Le DG de l'hôpital qui ne savait pas qu'il y avait un journaliste dans la salle, écoutait tout le monde avec bienveillance. Il prit souvent la parole pour donner une information, rectifier le tir, faire des promesses... Nous résumons ses déclarations : «Pour la rupture des antiviraux, à l'heure même où je vous parle, une réunion se tient à Alger entre le ministère de la Santé et les responsables de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH). D'après les informations que je viens d'avoir, je peux vous assurer que le problème de pénurie sera réglé cette semaine. Normalement, il ne doit jamais y avoir rupture de stock au niveau de la PCH : le nombre de nos malades est connu, leur traitement aussi, alors pourquoi cette pénurie ? Pour les autres problèmes inhérents aux dysfonctionnements relevés au service infectieux, je vais m'y atteler pour y mettre fin une fois pour toutes. Pour moi, tout cela n'est pas normal. Car le CHUO dispose de tous les moyens (scanner, laboratoire d'analyses, ambulances…) nécessaires pour faire face aux doléances des malades. Je vous demande de désigner trois représentants que je m'engage à recevoir mercredi prochain pour faire le point avec eux. Quant à moi, je vous désigne le surveillant général du CHUO, ici présent. Vous pouvez le contacter par le biais de votre association ou individuellement. Il se chargera de me transmettre vos doléances que je m'engage à régler sur le champ. Quant à la gestion du service infectieux, je m'engage à assainir rapidement la situation. Laissez-moi le temps de mener ma propre enquête. » Les malades échangèrent leurs numéros de téléphone avec le surveillant général et prirent congé, presque satisfaits. Dehors, d'autres malades retardataires faisaient le pied de grue, en compagnie d'autres responsables de l'association APCS, devant la DG du CHUO. Ils sont vite informés par leurs camarades. Nous avons essayé, par la suite, d'avoir le point de vue du chef du service infectieux. Ce dernier nous exigea l'accord écrit du DG du CHUO. Dans le couloir de ce service, une femme malade était assise. Elle venait d'être «mise à la porte» pour manque de médicaments. Devant les cris des membres de sa famille, un médecin lui conseilla de s'adresser à la PCH. Selon l'association APCS, Oran compterait quelque 700 malades avérés du VIH-sida. Certaines sources parlent de plus de 1000 cas. Le service infectieux rayonne sur toute l'Oranie. Et même Ouargla, comme on l'a vu avec le malade de Hassi Messaoud.