«A Cherchell, à titre d'exemple, les petits débutants sont traités comme des rois, l'enfant choisit lui-même ce qu'il veut au menu et on s'exécute. Pour la soirée, on reçoit la grande famille pour fêter l'événement.» Chaque jour, en rentrant chez soi en fin d'après-midi, on remarque un calme inhabituel. Même les quartiers les plus bruyants connaissent une étrange sérénité durant le Ramadhan. Les parties de foot ont disparu, la marelle et cache-cache aussi, pour faire place aux jeux de cartes, aux dominos et aux jeux vidéo. La raison est simple, Les premiers sont des jeux qui demandent beaucoup d'énergie. Une énergie à ne pas gaspiller surtout chez des enfants qui s'initient au jeûne, car si le jeûne n'est obligatoire qu'à partir de l'adolescence, son apprentissage commence un peu plus tôt. «On commence à encourager les enfants à jeûner à partir de l'âge de 7 ans, mais c'est plus difficile pour cette génération, le Ramadhan coïncide avec les longues journées d'été», raconte Meziane, oncle de neuf neveux et nièces, de la commune de Maâtkas, Tizi Ouzou. Il ajoute que «si ce n'est que pour une seule journée, l'enfant qui jeûne pour la première fois gagne en estime, son entourage le traite différemment des autres. Durant cette journée, il devient un petit adulte». Motivés et contents de faire comme les adultes, les garçons comme les filles entament le jeûne entre 5 et 10 ans. Certains commencent à s'entraîner avec des demi-journées, alors que les plus courageux s'y mettent directement. Pour ces enfants, le motif diffère : y en a qui sont poussés par leurs parents, comme Yousra, une petite fille de 9 ans. «L'an dernier, mon père m'a demandé d'essayer», dit-elle avant d'ajouter : «C'était un peu difficile, mais je m'y suis habituée et cette année je peux tenir jusqu'au Maghreb sans avoir faim.» D'autres, comme Lina, 9 ans, sont poussés par cette concurrence qui naît chez les enfants à propos du nombre de jours jeûnés. «L'an dernier, toutes mes copines ont jeûné plus que la moitié du mois», raconte Lina en précisant que c'était la raison pour laquelle elle a décidé de s'y mettre cette année. Par contre, ce qui pousse Dounia à faire le carême, c'est le courage qu'elle trouve chez son amie. «Chaque soir, j'appelle Feriel pour voir si elle va jeûner le lendemain», explique la fille de 10 ans. «L'an dernier, on a jeûné 20 jours ensemble», ajoute-t-elle. Fière d'elle, Dounia raconte que pour son premier jour de carême, «ma mère a préparé le charbet à la maison, et ma grand-mère a distribué de la nourriture aux pauvres». Ce jour-là, chez Feriel on a aussi préparé le fameux charbet dans lequel la maman a jeté une bague en argent en guise de cadeau, «c'est une vieille tradition dans leur région de Kabylie», explique Dounia. Pour encourager les petits musulmans au jeûne, les traditions sont nombreuses, mais toutes ont pour fin d'initier l'enfant à cette pratique religieuse. A Cherchell, à titre d'exemple, les petits débutants son traités comme des rois, «l'enfant choisit lui-même ce qu'il veut au menu et on s'exécute», raconte Maya, une jeune Cherchelloise de 19 ans. «Pour la soirée, on reçoit la grande famille pour fêter l'événement», a-t-elle ajouté. Plus à l'Ouest, dans la ville de Tlemcen, l'enfant qui jeûne pour la première fois représente la fierté de sa famille. En tenue traditionnelle, burnous pour les garçons et la célèbre «Chedda» pour les filles, on les emmène visiter la famille proche ainsi que les voisins. Une fois rentré à la maison, on attend la venue du photographe pour éterniser la joie de la famille et celle de l'enfant qui a reçu durant ses visites bon nombre de cadeaux.