Que devient Aziouz Boukerrou ? Je suis chauffeur de taxi à la retraite, et vice-président du syndicat national des chauffeurs de taxi, depuis maintenant 28 ans. Etes-vous totalement déconnecté du football ? Pas tout à fait puisque je suis membre de l'AG du Mouloudia d'Alger, et élément actif de l'opposition de l'actuel bureau. Pouvez-vous nous rappeler votre itinéraire sportif ? C'est en 1960 que j'ai officiellement fait mes tous premiers débuts comme gardien de but au sein de l'équipe junior de l'ASPPT Alger sous la houlette de l'entraîneur Anbernan. C'est lors de la saison 62/63 que j'ai rejoint l'O.M.S.E, l'équipe de Saint-Eugène mon quartier d'enfance. J'évolue aux côtés du regretté Zoubir Aouadj, Benali, Naneche, Laleg, Aïzel… On se classe 1er du groupe de la division d'honneur, devant le CRB, le Stade Guyotville, l'O. Médéa, le MC Cherchell… Pour n'avoir pu bénéficier de la prime promise par les dirigeants, la majorité de notre effectif est contrainte de changer d'air. Aouadj Zoubir, Benali et moi-même passons au Mouloudia d'Alger. Naneche opte, quant à lui, pour le RCK. A 20 ans à peine je deviens titulaire au MCA, après le départ précipité du regretté Abderahmane Boubekeur qui a décidé de porter les couleurs de l'USMA. Un départ qui m'a quelque peu laissé sur ma faim car j'avais tellement envie d'apprendre aux côtés de l'immense Abderrahmane. A quelle occasion avez-vous fait votre première apparition sous les couleurs «Vert et Rouge» ? C'était contre El-Harrach qui nous avait battu 1-0 devant son public. Alors que vous étiez sur la lancée, l'arrivée de Zerga vous a quelque peu mis de l'ombre, n'est-ce pas ? Il y a un peu de vérité dans ce que vous dites, car Zerga qui venait du Club Africain avec le statut d'international, était un gardien de grande dimension. Je n'étais tout de même pas une simple doublure, puisque jusqu'à la fin de la saison 69/70, j'ai été aligné plusieurs fois en tant que titulaire. De 1970 à 1973, j'évolue sous le maillot de l'AS. ONACO pensionnaire de la Nationale 2 qui est dirigée par Hamid Zouba et qui compte dans ses rangs entres autres, Segueni, Bouakouk, Djemaâ, Hamri, Boussaâdia... Contacté par Belkacem Bouchouchi, ancien athlète au MCA, et président de la JSEB, j'opte pour cette dernière formation où je passe une année sous la férule de Abdelghani Zitouni et aux côtés de Zoubir, Bouzourène, Omar Belbekri... Un quelconque palmarès à exhiber ? Deux accessions avec le MCA. L'une de la division d'honneur vers la Nationale 2, l'autre de la Nationale 2 vers la Nationale 1. N'avez-vous pas été tenté pour une carrière d'entraîneur ? Si puisque j'ai même été en 72/73 entraîneur bénévole de l'Espérance d'Alger qui s'est classée 2e derrière l'équipe des Galeries algériennes, le NIAD. Je n'ai pu hélas ! donner plus de consistance à ma reconversion, car je ne pouvais affronter ni cautionner les problèmes, ou les magouilles, dans un milieu censé être sain. Que retenez-vous comme meilleur souvenir de votre carrière ? Mon 1er match joué contre l'USMA durant la saison 65/66. Aligné comme titulaire à la place de Zerga que certains dirigeants voulaient imposer du fait qu'ils ne me faisaient pas confiance, j'ai réalisé une prestation de tout premier ordre qui a permis au Mouloudia d'écraser l'USMA par 3-0. Je n'omettrai pas de signaler que c'est mon coéquipier Abdelouahab Metrah, qui a pris en charge chez lui toute l'équipe pour une mise au vert d'une semaine. Le match joué à Batna et terminé par un 0-0 devant les Malaksou, Fritah, Blidi, Zender constitue l'autre souvenir inépuisable de ma carrière. Votre plus mauvais souvenir de votre carrière par contre ? L'élimination en 1967 du Mouloudia en 1/4 de finale de la coupe d'Algérie, joué à Constantine et perdu contre l'ESS par 2 ou 3 buts à 1. Ce jour-là, j'ai remplacé au pied levé Zerga, imposé par l'entraîneur national Lucien Leduc à Mustapha El Kamel qui m'a pourtant annoncé ma titularisation. C'est en toute dernière minute et suite au refus de Zerga de faire partie du onze rentrant que j'ai été aligné. C'est dire que cet impondérable m'a sérieusement perturbé d'autant que la partie s'est jouée sous la pluie et la neige. Quel est l'entraîneur qui vous a le plus marqué ? Incontestablement le regretté Mustapha El Kamel, qui a, à un moment donné voulu me reconvertir en arrière central, eu égard à ma taille et ma détente. J'ai bien sûr poliment refusé, Omar Hahad a également forcé mon respect par sa personnalité et son savoir-faire. Le dirigeant ? Le regretté Braham Derriche, qui était un vrai éducateur et un père pour tout le monde. L'arbitre ? Le regretté Chekaïmi de Blida. Il forçait le respect de tous, par ses compétences et ses grandes qualités humaines. Quel est l'attaquant que vous craigniez le plus ? Je fais attention à tout le monde. Hamid Bernaoui de l'USMA, un vrai renard celui là était celui que je surveillais particulièrement. Il me parle encore du but qu'il pensait m'avoir inscrit et que j'ai sauvé de manière impensable. Votre gardien modèle ? Les regrettés Abderrahmane Boubekeur et Djamel El Okbi mais aussi Zerga, Nassou, Abrouk, Ouchen, ils représentaient une génération de gardiens de but de haute lignée. Tous avaient la taille, le talent et la personnalité. A l'étranger, j'étais en admiration devant la classe de l'incomparable allemand Sepp Maier. Y-a-t-il de bons gardiens de buts en Algérie, selon vous ? Ousserir et Gaouaoui, sont à mes yeux les plus doués de leur génération. Quelles sont les qualités pour être un bon gardien de buts ? La sobriété, le réflexe, le placement, l'anticipation, le coup d'œil. Un bon gardien doit aussi être le patron dans sa surface de vérité. Avec quel coéquipiers aviez vous le plus d'affinités sur le terrain et en dehors ? J'étais particulièrement complice avec le regretté Zoubir Aouedj et Abdelouahab Metrah. Vos principales qualités ? Sur le terrain, j'étais très engagé, quelle que soit la taille de l'adversaire ou l'enjeu. J'étais un gagneur, et je respectais l'adversaire. Dans ma vie de tous les jours, je reste très serviable et généreux. Vos défauts majeurs ? J'avais tendance à m'énerver contre mes coéquipiers lorsque ces derniers commettaient des bourdes. C'était une manière à moi de les secouer et les mettre en garde. En dehors du terrain, je ne me vois pas de défaut particulier (après mûre réflexion), peut être suis exagérément généreux. Une nature contre laquelle je n'y peux rien. Quelle comparaison faites-vous entre le football de votre époque et celui de ces dernières années ? Avant c'était le football spectacle, l'amour du club et des couleurs. De nos jours, c'est un tout autre état d'esprit qui règne. Les dirigeants ne sont plus dévoués et désintéressés et les joueurs guère reconnaissants. Aussi, l'esprit mercantile fait que l'enjeu prend souvent le dessus sur le jeu. Le fait que 95% des joueurs qui composent l'actuelle équipe nationale soient issus de l'émigration en dit long sur le niveau des joueurs et du championnat locaux. La qualité principale que vous appréciez le plus chez l'homme ? La personnalité. Tout découle à partir d'elle. Le défaut que vous détestiez le plus ? Le manque de... personnalité. J'irai plus loin en disant que quelqu'un qui n'a pas de personnalité ne vaut rien. Il fait même pitié. Etes-vous branché politique ? Je reste à l'écoute de tout ce qui touche de près ou de loin mon pays. Un homme politique préféré ? Les regrettés Boumediène, Boudiaf et Ait Ahmed. Pour l'étranger, je citerai Robert Kennedy, Jacques Chirac et actuellement Sarkozy. Ce dernier petit au départ et venu de l'émigration a réussi à coiffer tout le monde. Un quelconque passe-temps favori ? Les moments passés avec mes petits enfants, notamment à la plage du côté du littoral de Bologhine (la Poudrière), mon quartier d'enfance, me procurent énormément de joie et de plaisir. Je suis également quelque peu accro aux émissions sportives nationales et internationales, toutes disciplines confondues. Que vous a apporté le football ? La santé, les connaissances et le respect à travers tout le pays. Matériellement, le football ne m'a obsolument rien apporté. Votre plat préféré ? Je suis au régime et de ce fait je fais attention à ce que je mange. Le couscous avec légumes et viande de bœuf constitue tout de même ma préférence. On vous laisse le soin de conclure.... Que les plus hautes instances du pays donnent tous les moyens qu'il faut au staff et aux joueurs de l'équipe nationale qui sont à un jet de pierre de la coupe du monde. Grâce à eux, le peuple algérien a retrouvé la joie de vivre et a commencé à rêver de nouveau. Entretien réalisé par Abdenour Belkheir.