Photo : Makine F. Lorsque la décision d'interdiction d'exportation des déchets non ferreux prise par le gouvernement est tombée, l'association des exportateurs, qui revendique une centaine de membres, est montée au créneau interpellant les pouvoirs publics sur le devenir des opérateurs qui « ont investi des millions de dollars » selon eux. Une revendication légitime si les transformateurs locaux n'avaient pas mis ceux-ci devant le défi de «prendre toute leur production et les payer au prix qu'ils veulent». Parmi ces transformateurs, une entreprise sise à M'Sila, en fait un joint-venture algéro-jordanien créé en 2007 suite à la reprise d'une entreprise publique Metanof en l'occurrence, proposée à la privatisation. Une visite sur place s'impose car il fallait connaître les vraies capacités de l'entreprise, ses moyens…Selon un des responsables de cette entreprise, la loi interdisant l'exportation de déchets non ferreux tel l'aluminium est « une bouffée d'oxygène » car les besoins de l'entreprise sont souvent « compensés par le recours à l'importation ». Les besoins couverts par le biais de l'importation s'élevaient à 500 tonnes/an, ils ont baissé de 40%, soit un volume actuel de 300 tonnes depuis l'interdiction. De plus, l'entreprise est appelée à faire les extensions prévues pour augmenter la production dont une partie est destinée à l'exportation vers des pays comme la France et la Grande-Bretagne. Pour ce dernier, le contrat est bien ficelé et sera « concrétisé dans un mois », a-t-on appris auprès du patron de la société Algal Plus. PLUSIEURS PAYS INTERDISENT L'EXPORTATION DES DÉCHETS La proposition de mettre tous les déchets au service de la production nationale est tout à fait correcte et n'aurait jamais dû soulever de problèmes s'il n'y avait pas « d'autres intérêts cachés », nous dit-on. Dans plusieurs pays, les déchets sont « une richesse nationale ». Ils sont de ce fait « interdits d'exportation que ce soit en Tunisie, en Syrie ou en Libye », nous confie Hadj Hassan de Nalco, le partenaire jordanien de Algal Plus. En réalité, l'exportation permet, par des prix sous-déclarés, « le transfert de la devise » qui sera logée dans les comptes des particuliers. Ce qu'avaient invoqué les pouvoirs publics comme motifs lors du gel des exportations. Les transformateurs ne comptent pas s'arrêter là puisque « le créneau devient un véritable enjeu » qui touche aux intérêts vitaux des entreprises algériennes privées mais aussi publiques comme l'unité d'emballage métallique de Gué de Constantine. Parmi les propositions, cibler les grands producteurs de déchets telle la Sonelgaz pour qu'ils traitent directement avec les transformateurs sans passer par les intermédiaires. Le marché a tellement séduit les étrangers que la privatisation de Metanof n'a pas manqué d'attirer un spécialiste de l'extrusion de l'aluminium, un groupe jordanien disposant de plusieurs unités dans le monde arabe (Jordanie, Syrie et Tunisie). Le joint-venture sera monté avec un privé algérien M. Dekar, à parts égales. Aujourd'hui, le premier extrudeur de profilé aluminium en Algérie a de grandes ambitions et ses managers ne s'en cachent. L'installation d'une troisième presse devra porter la capacité d'extrusion à 20.000 tonnes. L'exportation vers le marché européen est un des objectifs. On prévoit de « commercialiser 10.000 tonnes par an » pour monter en cadence jusqu'à 40.000 tonnes d'ici 2015. Algal Plus pourrait proposer à ses partenaires européens la couverture de leurs besoins en profilés aluminium dans le bâtiment (menuiserie, structures aluminium, échafaudages, portes automatiques, cloisons..), dans le domaine des véhicules. Selon Hadj Hassan, la production lors de la privatisation en 2007 « ne dépassait pas les 70/80 tonnes par mois, elle est aujourd'hui de l'ordre de 400 tonnes et sera portée à 600 tonnes par mois l'année prochaine ». UN IMBROGLIO JURIDIQUE POUR L'EXTENSION, LE PERMIS DE CONSTRUIRE Le complexe qui a reçu la certification ISO 9001, version 2000, il y a une année, par Moody International, participe aux divers salons à Paris et en Allemagne. Il vient d'être audité également par l'allemand Schuco, un géant mondial de l'aluminium qui espère «sous-traiter sa production et ses exportations pour le reste du monde à M'Sila». Ce qui n'est pas rien pour une entreprise qui se targue à la fois d'une privatisation réussie et d'un partenariat prometteur. La reprise de Metanof, selon le directeur des ressources humaines, s'est faite sans la libération de personnel. Mieux, le complexe a dû relancer le recrutement dans une région où l'appareil de production et donc l'emploi est à l'arrêt. « Ils étaient 225 travailleurs en 2007, ils sont aujourd'hui 350 », affirme-t-il. LE DUMPING CHINOIS À L'INDEX Cependant, la situation n'est pas sans inquiétude avec d'une part un imbroglio juridique pour l'extension de l'unité et la concurrence déloyale des importateurs. Outre le dumping chinois, les douanes mettent sur un pied d'égalité les importateurs de produits finis et les transformateurs. C'est le même taux de taxation et les importateurs « jouent aisément sur les positions tarifaires », nous explique, documents à l'appui, M. Dekar, le PDG de Algal Plus. D'abord, cette question d'extension des capacités de production. L'entreprise a encore sous emballage les nouvelles machines qu'elle compte mettre en place. L'administration lui a demandé un permis de construire. Or, ce sont « toutes les installations du secteur public qui ne disposent pas de cette pièce », y compris celles privatisées, leur ont répondu les services techniques de l'APC qui, apparemment, ne savent pas comment résoudre le problème. La question du dumping qui fait partie des pratiques de certains pays exportateurs touche en principe tous les produits. Mais les Chinois proposent aux Algériens, en ce qui concerne l'aluminium, un produit fini sous-taxé, c'est-à-dire à un prix qui ne dépasse guère le prix de la matière première elle-même. A ce prix-là, ils auraient pu le vendre sans transformation sur le marché international. Cette pratique est combattue par plusieurs pays et a fait l'objet de récentes mesures sévères de rétorsion de la part du Canada, de la Grèce, de l'Australie ainsi que de l'UE, ce qui devrait inspirer notre ministère du Commerce qui dispose de cellule de veille pour les autres produits. L'Union européenne, pour protéger ses industriels, a décidé, début octobre, d'imposer de taxes anti-dumping sur cinq années. Ces dernières peuvent atteindre jusqu'à 30% sur l'aluminium chinois ainsi que sur l'aluminium provenant du Brésil, d'Arménie...