Un an après son investiture, le premier président noir des Etats-Unis peine à concrétiser les belles promesses de changement induites par l'état chaotique de l'Amérique plongée dans la pire récession jamais vécue depuis la grande dépression de 1929 et gangrenée par le lourd bilan désastreux des républicains en matière de politique étrangère. «Des déficits records, deux guerres et des alliances au vif dans le monde», résume la dure réalité des épreuves attendues sur le long chemin des réformes promises. Et, si les spécialistes se contentent d'annoncer la juste consécration d'un Nobel des 287 premiers jours, l'érosion de l'obamania se décline en américano-scepticisme et en décalage profond entre les promesses de changement et la gestion au quotidien du marasme interne. Certes, la bataille de la couverture sociale assurée pour le seul pays au monde qui en est dramatiquement démuni est une avancée certaine. Mais, le poids du chômage sans cesse grandissant tend à altérer les perspectives de sortie de crise menacée par le péril annoncée de la «bulle financière» en remplacement de l'autre «bulle immobilière» spéculative. Les doutes s'installent. A l'instar d'un électorat versatile délivrant le message de la déception, autorisant le retour aux affaires des républicains en attendant le formidable challenge du renouvellement de l'année prochaine des gouverneurs et de la Chambre des représentants, l'exercice du pouvoir soulève les appréhensions du camp du changement. La salve meurtrière est partie de la communauté afro-américaine qui s'est déclarée peu « satisfaite » de la politique intérieure et extérieure de l'administration Obama. L'ancien membre des Blach Panthères, Charles Baron, membre du conseil municipal de New York, a en foncé le clou en dénonçant « le pouvoir blanc dans un visage noir », lors d'une manifestation de protestation. «Le camp de l'espoir et du changement n'a été qu'une illusion pour le peuple noir», a-t-il rétorqué en évoquant le profond décalage entre les déclarations d'intention du président Obama et la réalité du terrain. Pour Omali Yeshitela, le président de la coalition «Black is black», une organisation des droits civiques, il s'agit tout au plus d'un « instrument de nos ennemis impérialistes », matérialisés par la présence en force dans les bases militaires, caractérisés par l'interventionnisme au Venezuela et le maintien du blocus de Cuba. Fait inédit : la question des bases de Futenia, basées à Okinawa, est au centre de la visite que doit effectuer Obama au Japon. Plus de 20.000 personnes ont manifesté, dimanche, sur l'île d'Okinawa contre les bases américaines, faisant monter d'un cran la tension autour de cette question sensible. Arrivé au pouvoir en septembre, le nouveau gouvernement de centre-gauche japonais s'est engagé à rééquilibrer les relations nippo-américaines, trop inféodées à Washington selon lui, et à réviser notamment l'accord sur les bases et le stationnement de quelque 47.000 soldats américains au Japon. L'alerte la plus sérieuse est surtout venue du plus profond de l'Amérique victime de ses guerres d'expédition. Malgré tout le bien que l'on pense de la sympathie d'Obama exprimée lors du discours du Caire, tout le drame de Fort Hood (Texas, où 13 soldats ont trouvé la mort dans la fusillade déclenchée par le psychiatre de l'armée US, le commandant Nidal, un jeune musulman né de parents immigrés), renseigne sur la persistance d'un si lourd contentieux que ne sauraient évacuer de simples paroles.Plus qu'un « acte isolé » qui semble contenter les analystes en mal de légitimation, la brava de Fort Hood est effectivement « l'une des plus dévastatrices » autant pour la cible recherchée que par la charge de désespérance véhiculée. Où va l'Amérique d'Obama pétillante de promesses de règlement équilibré du vieux conflit du Proche-Orient, de désengagement jamais tenu en Irak, de fermeture de Guantanamo, de jugement des coupables de violations des droits de l'homme et tutti quanti ?