Le Yémen, un des Etats les plus pauvres du monde, serait-il en passe de devenir un pays de tous les dangers, voire un sanctuaire pour les seigneurs de la piraterie maritime qui activent déjà dans les côtes somaliennes et le réseau Al-Qaïda qui rêve d'un ancrage, à la charnière de l'Afrique et du Moyen-Orient depuis l'annonce de sa restructuration au début de l'année ? Contraint de gérer, sans moyens conséquents, plusieurs fronts, au Nord, dans la région montagneuse de Saada, il fait depuis le 11 août dernier, date du début de l'offensive «Terre brûlée», la guerre aux huthistes, des rebelles de la population Zaydite (une branche du chiisme dont se réclament environ 30% des Yéménites), au Sud, il fait face à un mouvement, en ébullition depuis plusieurs mois sur fond de revendications politiques et sociales, qui réclame un référendum d'autodétermination, le président Ali Abdallah Saleh promet depuis des mois de mater la rébellion, mais en vain. Redoutant une jonction de ce mouvement avec celui du Sud, le Yémen, qui peine à s'imposer face à ses chiites qui disent vouloir une meilleure reconnaissance de leur confession, - «nous perdons quotidiennement des colonnes de martyrs parmi nos meilleurs officiers et soldats et parmi nos citoyens» dixit Abdallah Salah qui estime que cette revendication cache un dessein secret, le rétablissement de l'imamat renversé en 1962, année de la proclamation de la République, en se taillant un territoire entre l'Arabie Saoudite et le Yémen avec un accès à la mer qui permettrait aux Iraniens d'étendre l'influence au Moyen-Orient -, semble accueillir favorablement l'intervention de l'Arabie Saoudite, le puissant voisin du Nord, qu'il aurait …sollicitée. D'où la sortie médiatique de samedi dernier de son président en marge de l'inauguration d'un projet gazier à Balhaf, dans le Golfe d'Aden (sud) : «Pas de trêve, pas d'arrêt de la guerre » et les opérations militaires menées au cours des phases précédentes n'étaient qu'un «échauffement». Sanaa comme Ryad qui craint de voir l'instabilité franchir la frontière, accuse les rebelles d'avoir «un agenda iranien». Dimanche, Bashir Eshaq, un responsable au sein de l'Alliance démocratique érythréenne, a accusé l'Iran d'utiliser son pays, séparé du Yémen par la mer Rouge, comme base pour acheminer des armes aux rebelles yéménites. Convaincue qu'elle n'a pas ni les moyens ni le temps pour arriver à bout des rebelles qui ont toujours refusé les mains tendues, Sanaa se félicite quasiment des bombardements depuis le 3 novembre, par l'armée saoudienne, des positions des rebelles zaydites. Selon Mohammad Abdel Salam, le porte- parole d'Abdel Malik Al-Houthi, les avions saoudiens visent des cibles à l'intérieur du territoire yéménite et utilisent depuis dimanche soir des bombes au phosphore. Ryad qui évoque la légitime défense pour expliquer ses raids, - un de ses garde-frontière a été tué par des rebelles-, dément. «Nous avons simplement utilisé des fusées éclairantes», expliquent les officiels saoudiens, précisant avoir capturé «des centaines» de rebelles. «155» selon Asharq al-Awsat. «Faux» répondent ces derniers. Selon eux, ils sont toujours présents à «djebel el Doukhan», une région montagneuse à cheval entre le Yémen et l'Arabie saoudite. A en croire le porte-parole des rebelles, l'aviation saoudienne qui ne pourra pas vaincre ses combattants, qui «ne disposent pas de positions fixes » n'aura sous peu qu'un choix : opter pour une « attaque terrestre» ou fuir le combat. Les analystes se demandent jusqu'où ce conflit par procuration entre l'Arabie Saoudite et l'Iran, pourrait aller.